Un slogan est un slogan. Ni plus, ni moins – et c’est déjà beaucoup. Celui que l’UMP est en train d’installer sous la houlette de Jean-François Copé mérite donc toute notre attention. « Nous souhaitons éclairer le chemin pour les années qui viennent », a-t-il déclaré ce mercredi à son point presse du jour. Éclairer le chemin : une expression sans doute soigneusement choisie, puisque le patron de l’UMP l’a déjà utilisée il y a une semaine, lors du mémorable et baroque show télévisé consacré au programme socialiste.
Première impression : une fois de plus, la droite s’aventure dans des contrées lexicales étonnantes, et moins proches des canons de la politique que de ceux de la spiritualité. Une fois de plus car j’avais déjà fait ce constat, cet été, au sujet de l’insistance du président et de sa majorité à mettre en avant le terme de « règle d’or », qui me semblait teinté de connotations morales et religieuses. Ici, c’est encore plus net, avec un renvoi assez transparent, me semble-t-il, aux notions d’illumination, de vérité, et de trajectoire de vie au sens spirituel du terme. Une rapide recherche Google sur l’expression confirme ce sentiment : on trouve dans les premières réponses un ouvrage sur la franc-maçonnerie, un article sur les scouts malgaches, un site canadien consacré à la santé mentale, ou encore un autre ouvrage sur la formation des chrétiens. Autant le recours à ce champ de références pouvait paraître habile avec la règle d’or, autant je suis ici perplexe sur les effets recherchés et attendus. Il y a au minimum matière à plaisanterie (« Le sentier lumineux »), et, au pire, des questions sur les inspirateurs d’une telle formule.
Deuxième niveau de lecture, un peu moins subjectif. Cette expression constitue, quand on y songe, un petit bouleversement dans la phraséologie UMP, et sarkozyste en particulier. Oubliés les impératifs de changement, de réforme, de transformation : J.F. Copé nous propose ici de mettre un peu de lumière sur le chemin que nous parcourons. Après les députés-godillots et le parti-croupion, le parti-lampion ? On sous-entend qu’il existe un cours des choses qui s’impose à nous – le propre d’un chemin est qu’on l’emprunte sans l’avoir soi-même dessiné – et on réduit le rôle d’un parti, même plus à opérer des changements à la marge, mais à apporter sa lumière sur les événements (notion obscure s’il en est : est-ce apporter un peu de réconfort, un peu d’explication, autre chose encore ?). Un supplément d’âme, en somme. Lapsus ? C’est en tout cas à ma connaissance un cas très rare, dans le monde politique, d’aveu de renoncement à agir sur le réel. On notera que c’est cohérent avec la dimension spirituelle et religieuse dont je parlais précédemment : l’idée qu’il faut se changer soi-même, plus que l’ordre du monde, est souvent au cœur des mystiques. Cohérent aussi avec l’objectif du « 0 euros de dépense publique supplémentaire », qui n’indique pas, c’est le moins que l’on puisse dire, un grand volontarisme politique.
Il y a pour moi, enfin, une notion qui se dégage fortement de ce slogan : la passivité. La passivité crépusculaire, impuissante, et désemparée, d’un parti en bout de course avec un candidat fragilisé. Peut-être d’ailleurs est-ce l’inconscient (et l’état d’esprit actuel) des patrons du parti présidentiel qui a parlé, malgré eux. Une passivité teintée d’incompréhension et de manque de maîtrise sur les événements, comme le montrent les propos de Copé : « certes nous vivons une crise très importante, mais aussi une mutation de notre société. Il y aura un avant et un après la crise avec une transformation de nos habitudes de vie et de notre modèle de développement qui doivent être vu comme des opportunités ». Peut-on imaginer plus vague ? Le chemin (vers où, vers quoi ?), une mutation (laquelle ?), une transformation (laquelle ?) … des termes aussi forts qu’indéfinis dans leur contenu.
Après l’omniprésident, le guide spirituel ? Même pas : un guide montrerait le chemin et ne se contenterait pas de l’éclairer. Les agences de communication ne devraient pas tarder à se presser au portillon de l’Élysée : il y a du pain sur la planche.
Romain Pigenel
De l’éclairage sur les autres mots de la politique ici.
10 Comments
La bande son est toute trouvée…
http://www.youtube.com/watch?v=V9oaOTPlu5w
Ça mon coco, c’est un scoop ! Jean-François Copé est devenu senderiste ! marxiste-léniniste de tendance maoïste. Le Sendero luminoso avait bien besoin d’un tel renfort… ne serait-ce que pour retrouver la lumière puisque nombre de ses soldats sont à l’ombre.
Copé a peut-être moins de sang sur les mains que les Senderistes mais, pour ce qui des dégâts sociaux, il ne craint pas la comparaison. Comme dirait Simone si elle nous lisait.
Faut-il comprendre qu’il n’y a plus rien à dire sur le parti socialiste ?
Si ce slogan “étonne” et renvoie à des “notions d’illumination”, que dire alors de “Réenchanter le rêve français” ?
Pénible, ce parti pris.
Les Umpétés ? Des illuminés peu éclairés !
Analyse intéressante. Je partage, à un détail près. Antonio Machado écrivait avant guerre (dans Campos de Castilla, je crois) “Voyageur, il n’y a pas de chemin. Le chemin se fait en marchant. Le chemin se fait en marchant et, quand tu te retournes, tu ne dois voir que la trace des pas que tu ne referas jamais. Voyageur il n’y a pas de chemin, qu’un sillage sur la mer.” Métaphore constructiviste qui montre que le chemin n’est pas forcément quelque chose qu’on suit passivement, mais que l’on peut créer au fur et à mesure qu’on avance. Ce n’est cependant et évidemment pas dans cette métaphore que se situe le “éclairer le chemin” de l’UMP, et je rejoins ta conclusion sur la passivité démissionnaire.
Eh oui, réenchanter le rêve français est beaucoup plus idiot. A partir du moment où l’Euro et l’Europe s’effondrent, la posture religieuse sacrificielle passive est plus cohérente que le slogan de Hollande.
Une chose assez frappante c’est que tous ces slogans en provenance de l’UMP, ces “éléments de langage”, ne portent plus, ils résonnent à vide, à l’image d’ailleurs de la parole de N. Sarkozy lui-même. Les gens n’écoutent plus, ils attendent juste l’élection, pour administrer LA baffe, ciblée, directe (les derniers scrutins intermédiaires ayant permis de patienter).
On attend avec d’autant plus d’impatience les prochaines trouvailles de Jean-François “Vois sur ton chemin” Copé et de son “parti-lampion”, 6 mois de campagne ça va laisser de la place…
assez d’accord avec antenne relais, on a plus de reprises réelles de ces mots, comme Chirac avec pscchiiit !
@Antennerelais : je valide la bande-son !
@Un Partageux : j’espère qu’il prendra le maquis en mai prochain.
@Kzg : un slogan renvoie à Max Weber et à la politique américaine, l’autre à des sectes religieuses… à chacun sa préférence
@Marianne Arnaud : que du bien. Que du bien.
@Hunter
@Jardidi : nous sommes au moins d’accord sur les responsabilités de l’UMP.
@Antoine : oui, tout cela est bien entendu relatif et discutable. Mais quand même, le chemin me semble plus imposé que la voie, par exemple.
@Antenne & Romain B : je suis d’accord.
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#fail de slogan / Les mots de la politique (16) : l'UMP veut "éclairer le chemin" #variae http://t.co/fpEQV6f0
@Romain_Pigenel Anagramme "Éclairer le chemin" = "Là, émincer le riche" hihihi http://t.co/3E2gWxtJ
Mon dieu! L'UMP devient une Secte!
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Copé en Guide spirituel ? / Les mots de la politique (16) : l'UMP veut "éclairer le chemin" #variae http://t.co/fpEQV6f0
[...] Il veut se poser « en sauveur de la Nation », en président de la République « éclaireur » et garant des intérêts vitaux de la Nation pendant que ses opposants tergiversent sur la scène [...]
Le parti-lampion / L'UMP veut "éclairer le chemin" http://t.co/fpEQV6f0 #variae
Les mots de la politique (16) : l’UMP veut “éclairer le chemin” http://t.co/j92qkZ98 via @Romain_Pigenel
Si vous avez deux minutes, analyse de @Romain_Pigenel: Les mots de la politique (16) : l'UMP veut éclairer le chemin http://t.co/oRCU8OHI
[...] Les mots de la politique (16) : l’UMP veut “éclairer le chemin” [...]
[...] simplement, je suis conseiller spécial de Nicolas Sarkozy. Je l’aide à éclairer le chemin™ pour nos compatriotes. Et en particulier j’ai préparé avec lui la très belle émission de [...]
[...] propos de cette journée décisive : “Le jour le plus long”. D. Reynié du think tank libéral Fondapol condamne les propos de citoyens et journalistes proférés sur RMC. Propos jugés démagogiques, [...]
[...] Il y a pour moi, enfin, une notion qui se dégage fortement de ce slogan : la passivité . La passivité crépusculaire , impuissante , et désemparée , d’un parti en bout de course avec un candidat fragilisé . Les mots de la politique (16) : l’UMP veut “éclairer le chemin” [...]
[...] à l’automne, le « parti qui veut éclairer le chemin », antienne quasi mystique que j’analysais alors comme un aveu implicite d’impuissance ; puis en début d’année, au moment de la présentation du projet UMP, « Protéger et [...]
@Melclalex @Sarkofrance y a un an c'était "éclairer le chemin" … http://t.co/zYp56JUp
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