« Le traumatisme de Montauban et Toulouse a été profond dans notre pays, un peu – je ne veux pas comparer les horreurs – un peu comme le traumatisme qui a suivi aux États-Unis et à New York l’affaire de septembre 2001, le 11 Septembre. ».
De l’art de manier la prétérition. Sur Europe 1, Sarkozy dit qu’il ne veut pas comparer les horreurs, mais de fait, il les compare. Soit : il faudrait donc, avec une sorte de balance des atrocités, soupeser les impacts comparés d’un avion qui fait s’effondrer des tours, et d’un tueur fanatique qui lance des raids contre des militaires et des enfants. N’en déplaise au président sortant, cela n’a pourtant tout simplement pas de sens de comparer 6 morts à plusieurs milliers. Le 11 septembre n’est ni pire, ni moindre que Toulouse et Montauban : il n’entre pas dans la même catégorie d’événements, ne serait-ce que parce qu’il était totalement inattendu et a ouvert une période – celle où nous vivons actuellement – où justement la menace du terrorisme fondamentaliste est une donnée structurelle de notre existence. Le 11 septembre marquait en quelque sorte un changement d’ère, la fin des années 90 et de leur prétendue « fin de l’histoire ». Montauban et Toulouse sont des drames tardifs de l’ère du 11 septembre. Des crimes odieux, mais d’un autre type.
Des crimes, effectivement, qui ont marqué les esprits, avec le soutien actif de certains médias (chaînes d’info en continu tout particulièrement) mais aussi de responsables politiques qui ont joué la carte de leur dramatisation. Pour autant, on peut être, là encore, moins affirmatif que Nicolas Sarkozy sur le « traumatisme profond » que cela a été pour le pays. Les différentes enquêtes d’opinion sorties cette semaine s’accordaient à affirmer que les horreurs des jours précédents n’avaient pas bouleversé l’ordre des priorités chez les Français : l’économique et le social, à quelques semaines de l’élection, restent au sommet de celles-ci. Cela n’est pas une bonne nouvelle pour Nicolas Sarkozy, tant les mêmes études montrent avec constance que si son crédit reste supérieur (à tort) à celui de François Hollande sur les questions de sécurité, il en va de façon inverse sur le terrain de l’emploi et de l’économie. Qu’à cela ne tienne, le candidat de la droite va donc tout tenter pour revenir sur son terrain de prédilection, et cela passe par son arme favorite : la peur.
Semer la peur chez les Français, pour pouvoir se présenter en Grand Protecteur. On parle du président-croquemitaine, celui qui aime – chose récurrente et donc significative – plonger les enfants dans l’horreur, un jour en leur demandant de parrainer un enfant juif mort pendant la guerre, le lendemain en leur suggérant d’imaginer qu’ils auraient bien pu être parmi les victimes de Mohamed Merah. Semer la peur chez les enfants, et aussi chez leurs parents. Donc organiser des arrestations spectaculaires d’islamistes-à-Kalachnikov (dommage qu’elles n’aient pas eu lieu avant), employer la méthode Coué sur un « traumatisme profond » qui n’a peut-être pas eu lieu, et invoquer le spectre du 11 septembre pour faire passer ce message (de moins en moins) subliminal : nous sommes en guerre. Vous avez donc besoin d’un chef, celui que Hollande se refuserait à être (interview sur Europe 1 toujours, Sarkozy : Hollande « dit qu’il n’a pas l’intention d’être chef. Comme il est candidat pour être chef de l’État, c’est une déclaration assez curieuse »), besoin d’un homme à poigne, et pas d’un rassembleur trop consensuel.
On a souvent dit que l’équipe Sarkozy comptait s’inspirer du duel Bush-Kerry de 2004 (voir notamment ce billet de Julien Dray) pour ne pas perdre tout espoir de victoire. Avec cette évocation tombée de nulle part du 11 septembre, la stratégie devient plus transparente que jamais. Et peut-être un peu trop grosse pour être vraiment efficace.
Romain Pigenel
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9 Comments
Il ne s’agit pas de savoir si “la stratégie devient plus transparente” ou pas ?
Il s’agit de savoir si elle sera payante ou pas ?
Il n’y a plus longtemps à attendre pour le savoir.
Excellent billet sur le diabolique Sarko et ses méthodes mafieuses.
“honni soit qui mal y pense” … … …
Comparer Toulouse et les attentats du 11/09: A pleurer de bassesse! Mais il ya sans doute une ressemblance entre le sortant et Georges BUSH
Oui la comparaison avec le 11 septembre est encore une fois une manoeuvre. C’est qu’il ouvert une autre période, mais surtout pour les américains, qui l’ont ressenti comme Pearl Harbour. D’où leur “sur-réaction”, en Irak et en Afghanistan.
Car le terrorisme en Europe est bien antérieur.
D’abord avec celui de l’extrême droite dans la gare de Bologne, puis celui de l’extrême gauche avec les Brigates Rouges en Italie, la bande à Bader en Allemagne, Action Directe en France.
Puis avec la Rue des Rosiers, les attentats du RER St Michel, Port Royal.
C’est assez curieux d’ailleurs que personne n’y ait fait référence, car ils me semblent assez semblables à celui de Toulouse et Montauban, et la réaction des Français est la même: horreur, compassion, dignité et calme. et jamais de peur.
Un ajout: je n’ai pas parlé de l’Irlande ni du Pays Basque, car ils sont de tout autre nature.
Sarkozy veut oublier ce “prêt” de 3 millions.
http://sarkofrance.blogspot.fr/2012/04/sarkozy-veut-oublier-ce-pret-de-3.html
La peur n’est pas l’arme exclusive de Sarkozy, elle est partagée par la majorité, voire la totalité des candidats actuels (bien que Sarkosy s’en serve peut-être plus que les autres).
D’autre part il n’aura pas fallu attendre les enquêtes d’opinion pour se dire que ce drame récent n’aura pas modifié les priorités des français. C’est bien de notre temps de faire croire à la société que quelques meurtres – tout horribles soient-ils – vont transfigurer horriblement notre pays. Et ce grâce à la complicité des médias, évidemment…
la peur de …
Par extension, le terme peut aussi désigner l’appréhension liée à des situations déplaisantes ou à des animaux répugnants. Il est alors question de phobie, mot issu d’une racine grecque désignant la peur comme notamment la claustrophobie, l’acrophobie, l’arachnophobie ou l’agoraphobie. D’un point de vue neurologique, elle est essentiellement une activation de l’amygdale (ensemble de noyaux au niveau des lobes temporaux)2. L’activation de l’amygdale correspond généralement à un sentiment de danger imminent. Elle peut entrainer une inhibition de la pensée et prépare l’individu à fuir ou à se défendre.
cqfd
Les suffixes français -phobie, -phobique, -phobe (du grec : φόβος/φοβία ) sont utilisés en tant qu’usage technique dans la psychiatrie pour construire des mots décrivant des peurs irrationnelles comme étant des troubles psychiatriques (ex. Agoraphobie), dans la chimie décrivant des aversions chimiques (ex. hydrophobe), en biologie décrivant des organismes désapprouvant certaines conditions (ex. acidophobie), et en médecine décrivant l’intensité d’un stimulus, habituellement sensible (ex, photophobie).
pas peur !!!
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[...] sa capacité à faire revenir à lui un électorat jeune, connecté, progressiste. Il se concentre, à l’instar de Bush en 2004, sur la constitution d’un bloc conservateur, crispé sur ses angoisses et son refus du monde qui [...]
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