C’est un camarade de tweet qui me l’a signalé ce matin. Eh, tu as vu ça, Sarkozy a fait un check-in sur Foursquare depuis l’hôpital ! L’hôpital ? L’Hôpital Nord de l’Assistance publique de Marseille, celui où était soigné le policier qui avait essuyé des tirs de fusil d’assaut de la part de voyous. Celui, malheureusement, où il a succombé à ses blessures.
Foursquare ? Un réseau social en vogue, qui, jouant sur le GPS des téléphones portables, demande à ses utilisateurs de « pointer » les endroits où ils passent dans la journée. Un réseau de géolocalisation qui n’aurait aucune utilité s’il n’intégrait pas un système de points et de classement : chaque localisation effective dans un lieu référencé rapporte des points à l’internaute, et lui permet de décrocher des badges, récompensant par exemple le nombre de fois où il « check » dans des restaurants de sushis, ou sa propension à fréquenter assidument les salles de gym. Bref, un réseau à la fois inutile et ludique, qui n’a pas de fonctionnalité informationnelle première, à la différence de Facebook ou de Twitter.
L’Élysée entend apparemment aller à la rencontre des Français sur tous les espaces du web où ils sont actifs. Soit. L’Élysée a donc un compte Foursquare. Soit. Mais comme toujours, il y a deux choses, les réseaux sociaux, et l’usage qu’on en fait. Foursquare reste très largement un réseau dédié à la détente et à la compétition amicale entre contacts. Je n’y ai pas encore vu de débats sur la crise économique, ou de diffusion d’informations autres que des avis d’utilisateurs sur tel ou tel restaurant. Aussi, quelle n’est pas ma surprise de découvrir ce statut :
Et sa reprise sur Twitter :
On annonce donc allégrement que l’on a fait un check-in à l’Hôpital en allant rendre visite à un policier mourant. Tiens, et pourquoi pas un poke ou un like à ses collègues, tant qu’on y est ? Ou un tweet à leur attention avec un smiley clin d’œil ? Je suis peut-être un terrible rabat-joie, mais je ne m’imagine pas faire un check-in dans un cimetière si j’y assistais à un enterrement (« c’est ton 10ème lieu visité aujourd’hui, tu gagnes 3 points »). Que le Président fasse savoir qu’il rend visite au gardien de la paix gravement blessé durant son service, pour le soutenir lui et ses proches, est normal, convenable et même nécessaire. Mais que son service de communication transforme cela en un événement de réseau social, en mettant en scène par géolocalisation la visite elle-même, me semble être un faux-pas qui témoigne d’un manque de pudeur et de décence tout-à-fait étonnants et regrettables.
J’en étais à ce stade de mes réflexions quand m’est parvenu un billet de Plume de presse, le blog d’Olivier Bonnet, portant sur la même visite présidentielle, mais y ajoutant des suspicions bien plus graves. Selon cet article – qui cite nommément un policier – Nicolas Sarkozy aurait fait repousser l’heure officielle de la mort du gardien de la paix blessé, pour organiser sa visite « de son vivant ». Je ne peux que vous y renvoyer pour que vous vous fassiez une idée par vous-même. Il n’en reste pas moins, quel que soit le fond de l’histoire, que le décès d’un homme est un sujet suffisamment grave pour qu’on s’interdise de l’instrumentaliser. Qu’en pense le président-candidat ?
Romain Pigenel
18 Comments
on pensait avoir tout vu,
mais non,
ça va de plus en plus bas !
ce mec est un fou dangereux…
On touche le fond. C’est ignoble, répugnant.
un président de droite ou de gauche, je m’en fous, mais un minimum de dignité et de moralité, bordel ! Là, ça d”passe les limites de l’acceptable..
@Toto : les mots manquent, à vrai dire.
@Rimbus : oui, on dépasse les bornes de ce que l’on peut attendre d’un politicard, même aussi navrant que lui.
@GdeC : …
Je suis abasourdie par ce détail de “l’histoire”.
J’ai relayé votre article sur mon blog.
Quand j’ai signalé ce check-in, je me disais que cela se passait de commentaires. Mais tu as très bien fait de le décortiquer ; j’ai en vain tenté d’expliquer à des proches non-geeks l’ignominie de la “chose” : grâce à toi ils vont capter
!
J’avais jusqu’à aujourd’hui l’impression que tous ceux qui possèdent des comptes facebook, tweeter, etc, acceptaient le flagrant “manque de pudeur et de décence” comme un mal nécessaire.
Me serais-je trompée ?
Faire repousser “l’heure officielle de la mort du gardien de la paix blessé” à des fins électoralistes serait effectivement choquant. L’ennui c’est que vous parlez de “suspicions” et utilisez le mode conditionnel ce qui enlève à vos dires la force de la preuve.
@Bénédicte : merci ! Il faut absolument relayer tout ce que l’on a comme informations sur cette histoire, que la “grande” presse s’en empare et vérifie.
@Erwan : l’histoire me trottait dans la tête depuis ton mail. Et c’est vraiment quand je mettais le point final à ce billet, ce soir, que je suis tombé sur le récit de Bonnet … Cela m’a encore convaincu un peu plus de la nécessité d’en parler.
@Marianne :
“J’avais jusqu’à aujourd’hui l’impression que tous ceux qui possèdent des comptes facebook, tweeter, etc, acceptaient le flagrant “manque de pudeur et de décence” comme un mal nécessaire.”
On ne plaisante pas avec la mort et la détresse d’une famille.
je ne sais pas ce qui est le plus odieux: la supposée manoeuvre de Sarko ou votre emballement a vous saisir d’une supposition.
Mais depuis plus de trois mois que l’Elysée est sur 4Sq, il y a eu du pointage depuis des cimetières, sache-le, Romain!
L’hôpital de Marseille était le 150e… J’ai commencé hier un billet là-dessus. Mais à ma vitesse.
Corto74: tu as raison, l’utilisation d’un cadavre à des fins médiatiques est normal…es ce que ce sera dans le projet de l’ump?
Le PS au pouvoir, met des gens à la rue, c’est mieux?
Les “grands médias vont-ils en parler ?
Heu… ben…
lu sur Médiapart (je précise): “L’assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP HM) ont catégoriquement démenti l’information selon laquelle le président de la République aurait repoussé l’heure de décès officielle d’un policier pour son plan communication. «La rumeur est fausse, dit le chef du service de réanimation de l’Hôpital Nord. J’ai moi-même accueilli le président hier, et je ne lui aurai pas présenté quelqu’un de décédé.» ”
à faire suivre…
@corto74
La phrase que tu cites, à savoir:
«La rumeur est fausse, dit le chef du service de réanimation de l’Hôpital Nord. J’ai moi-même accueilli le président hier, et je ne lui aurai pas présenté quelqu’un de décédé»
ne veut pas dire que Sarkozy a vu un homme en vie. Il n’a peut-être vu personne, non?
Le hasard a voulu que le dernier billet du blogue Partageux soit signé de Bénédicte Desforges, ex-policière citée par Olivier Bonnet dans cette affaire révoltante. Révoltante comme l’était, à un autre titre, l’histoire narrée.
http://partageux.blogspot.com/2011/12/la-boite-de-thon.html
@Corto : tu auras remarqué que mon billet, à 90%, ne porte pas sur l’heure de la mort, mais sur l’usage médiatique qui en a été fait dans tous les cas.
@Fabien : quelque chose me dit que ce compte Fsq est désormais à suivre de près …
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via @romain_pigenel Policier décédé, Foursquare : morbide indécence de Sarkozy http://t.co/pKxwfioq
et aussi là: http://t.co/RMKn7lNu
Hallu sur l'histoire de Plume de Presse !! RT@Didguillot: Policier décédé, Foursquare : morbide indécence de Sarkozy http://t.co/1oJrC8NF”
Deux papiers à lire absolument sur la morbide mise en scène de Sarkozy: http://t.co/ERdXVsGC et http://t.co/scsuKHnO #Marseille #police
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« un check-in à l’Hôpital en … visite à un policier mourant… pquoi pas un poke ou un like … tant qu’on y est ? » http://t.co/t5CAvlGR
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[...] Pigenel décrivait la morbide indécence d’un président qui alors qu’il se rendait au chevet d’un policier mourant [...]
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J'aimerais bien être maire de la morgue /Policier décédé, Foursquare : morbide indécence de Sarkozy http://t.co/3fdApfgg via @Romain_Pigenel
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