Variae a bien assez souvent été sévère avec Jean-François Copé, il nous faut, quand celui-ci fait preuve d’une qualité patente, la reconnaître et la célébrer comme il se doit. Question de fairplay et d’équité. On peut souvent mettre au crédit du grand maître de l’UMP une certaine franchise, voire une capacité à réduire la langue de bois en menus copeaux (n’est-il pas celui qui rêvait de « massacrer à la tronçonneuse » François Hollande ?) ; il en a encore fait la preuve lundi matin, au micro de Jean-Jacques Bourdin.
Il n’était pas question ce jour, chez l’inquisiteur matinal de RMC, de sous-marins nucléaires ou de prix du ticket de métro, mais simplement de parité dans les désignations de candidats pour les législatives. Tous les partis se sont efforcés de la réaliser … sauf l’UMP, préférant payer des amendes. Et le patron du parti en question d’être soumis à la question sur ce raté assez voyant.
C’est là que l’on mesure toute la grandeur du satrape de Meaux. Depuis l’ère précolombienne, voire l’âge des cavernes, homo politicus a appris et s’est secrètement transmis de génération en génération un corpus de techniques ancestrales pour dissimuler la non-parité et ses soustraire aux critiques des médisants ; citons, en vrac, la parité virtuelle, consistant à mettre autant de femmes que d’hommes parmi les candidats, mais en réservant les territoires gagnables aux mâles ; la parité-potiche, avec des candidates qui se retirent, au dernier moment et sous quelque prétexte, au profit de leur très masculin suppléant à qui elles servaient de paravent ; ou encore la parité provisoire, avec une surconcentration de candidates sur des circonscriptions que l’on sait être destinées à des partis alliés, dans le cadre de négociations de dernière minute, et sans que ces alliés ne soient tenus d’y maintenir une femme comme représentant.
Il existe donc mille et une manière de finasser pour dissimuler le fait que l’on accorde à peu près autant d’importance à l’égale représentation des femmes et des hommes, qu’à celle des mormons et des Témoins de Jéhovah. Mais Jean-François Copé n’est pas fait de ce bois-là, oh que non. Et l’imperator de l’UMP post-sarkozyste de répondre crânement à Jean-Jacques Bourdin : « je vais vous dire, je plaide coupable avec regret mais c’est un arbitrage que nous avons eu à rendre et qui était difficile, dès lors que nous avions 317 députés sortants et qu’une bonne part d’entre eux se représentent et ont un ancrage très remarquable sur leur territoire, il était extrêmement difficile de les sacrifier. Voilà pourquoi j’ai pris avec mes amis de l’UMP cette décision qui nous coûtera en termes d’amende, et chacun doit comprendre que dans la période qui est la nôtre, il nous faut absolument avoir le maximum de députés et que cela passe par le poids, l’ancrage local de beaucoup d’entre-nous […] je suis moi un grand militant de la parité, j’ai été l’auteur d’une loi qui avec Marie-Jo Zimmermann prévoit qu’il y ait la parité dans les conseils d’administration des grandes entreprises françaises ».
Copé pourrait très bien dire qu’il n’a rien à faire de la parité, qu’il la laisse aux gonzesses. Mais non : il en est même un militant. Dans le monde normal, le militant d’une cause considère que celle-ci est un objectif, et qu’elle est donc contraignante par rapport à ses autres intérêts ; pas Monsieur Copé, qui se dit, si on résume, être pour la parité, mais uniquement si elle ne l’empêche pas de gagner. Curieux raisonnement que l’on s’amusera à tester sur d’autres sujets politiques : on pourrait par exemple se décrire comme un démocrate, mais considérer que la démocratie n’est acceptable que si elle accouche du résultat politique que l’on veut soi-même, et de nul autre. Dirait-on d’une telle personne qu’elle est une militante de la démocratie ?
Plus étonnant encore est l’argument de « l’ancrage très remarquable » des sortants testostéronés que l’on ne pourrait remplacer par des femmes. Que je sache, l’homme qui tient ces propos est à la tête de l’UMP depuis un an et demi, et appartient aux instances dirigeantes du même parti probablement depuis sa création ; que n’a-t-il utilisé ce pouvoir pour travailler, en amont, à faire émerger des candidates ayant tout le temps de se créer « un ancrage très remarquable » avant les fatidiques législatives ? Et si l’ancrage ne vient que par la pratique d’un mandat législatif, la reconduction d’un groupe de députés penchant du côté de Mars ne va-t-elle pas prolonger un cercle vicieux ? Étrange qu’un « militant de la parité » n’ait pas ces considérations en tête.
A moins que ces justifications ne cachent en fait qu’un profond désarroi, devant une situation politique dramatique, où l’étiquette UMP est si peu vendeuse que seuls des candidats archi-connus de leurs électeurs – se présentant comme à une élection municipale, en faisant oublier leur appartenance politique, et en misant tout sur la relation de proximité – peuvent espérer l’emporter ?
Voyons ! Si c’est ce que pensait Jean-François Copé, avec sa franchise proverbiale, il le dirait sans aucun doute très clairement.
Romain Pigenel
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6 Comments
On peut en effet être un militant de la démocratie, et considérer qu’un excès de démocratie peut être nuisible. De même que trop d’impôt tue l’impôt, en somme…
http://bit.ly/Kv6yxi
Pauvre clown!
la parité , c’est les chefs de bande ???
Mais que dire aussi, de ces femmes politiques qui ont gagné leurs galons de représentativité grâce à la loi sur la parité et qui, toute honte bue, préfèrent ne pas se présenter aux élections pour sauvegarder leur poste de ministre ?
Peut-être que c’était ironique, mais le titre porte à confusion : Je ne trouve pas Coppé ni honnête ni son honnêteté désarmante.
C’est un fâcheux, excellent orateur, autoritaire et agressif qui joue au candide quand ça l’arrange, et utilise l’impunité des politiques.
Mercredi 23 mai 2012 :
Les enquêteurs chargés de l’affaire Bettencourt cernent Nicolas Sarkozy. Le nom de l’ex-président apparaît désormais dans la procédure, instruite à Bordeaux par le juge Jean-Michel Gentil, visant les délits d’”abus de faiblesse” et d’”abus de confiance” commis au préjudice de la milliardaire. Selon les procès-verbaux dont Le Monde a pris connaissance, le magistrat semble tenir pour acquis que M. Sarkozy a bénéficié, lors de sa campagne présidentielle de 2007, d’argent en espèces du couple Bettencourt. Et ce par le biais de Patrice de Maistre, ex-gestionnaire de fortune des Bettencourt, et Eric Woerth, ex-trésorier de l’UMP. Les deux hommes sont mis en examen – le premier étant toujours en détention provisoire.
Le juge Gentil s’est d’abord attelé à tracer l’argent liquide. Le 17 janvier 2007, 50 000 euros sont retirés de l’un des comptes Bettencourt par la comptable Claire Thibout, sur l’injonction de M. de Maistre. Celui-ci réclame initialement 150 000 euros, mais la comptable refuse de sortir une telle somme car ce montant excède son autorisation de sortie d’espèces à la banque. Le magistrat s’est procuré l’extrait de compte qui donne crédit aux assertions de Mme Thibout. Interrogée le 14 septembre 2011 par le juge Gentil, celle-ci a réitéré que la demande de M. de Maistre était claire : c’était, selon les propos que lui aurait tenus le gestionnaire de fortune, “pour donner à Eric Woerth”.
ENVELOPPE KRAFT
Le lendemain, 18 janvier, un rendez-vous est pris avec Mme Bettencourt pour lui remettre les fonds. Mme Thibout, dans son agenda, note : “Pour donner enveloppe qui donnera à Patrice.” Les agendas de Mme Bettencourt et de M. de Maistre confirment la tenue de ce rendez-vous. L’enveloppe kraft contenant des liasses de vingt billets change donc de mains, pour atterrir dans celles de M. de Maistre. Le lendemain, soit le 19 janvier, celui-ci rencontre M. Woerth, qu’il connaît depuis 2006, et dont il s’apprête à engager l’épouse, Florence Woerth. Le tête-à-tête se déroule dans un café, près du QG de campagne, rue d’Enghien, à Paris. Question du juge à M.Woerth, lors de son interrogatoire du 9 février: “Vous souvenez-vous de la station de métro ?”. “Non, a répondu l’ancien ministre du travail, je ne m’en souviens pas.” Remarque perfide du magistrat : “Vous ne vous souvenez pas de la station de métro que vous avez emprunté tous les matins…”
Curieusement, ce rendez-vous ne figure pas à l’agenda de M. Woerth, contrairement à celui de M. de Maistre qui a précisé que l’entrevue s’était déroulée de 8 h 30 à 9 h 30. Plus ennuyeux pour M. Woerth, l’agenda de Mme Thibout porte cette mention, à la date du 19 janvier 2007: “Patrice et trésorier, rue des Poissonniers (…) sécurité.” “Lors de ce rendez-vous, interroge donc le magistrat, M. de Maistre vous a-t-il remis une somme de 50 000 euros en espèces ?” “Non, proteste M. Woerth, il ne m’a jamais remis d’argent (…). Nous avons parlé de la campagne qui commence…” Si le magistrat postule que l’enveloppe a bien, ce jour-là, été remise à M.Woerth, il manque 100 000euros : Mme Thibout a assuré que M. de Maistre s’était débrouillé pour les trouver. Or, le 28 janvier 2007, M. de Maistre se rend à Genève, où il a rendez-vous le 30 janvier avec l’avocat René Merkt, qui gère les comptes non déclarés du couple Bettencourt. Interrogé, M. Merkt confirme la rencontre, et précise que M. de Maistre réclamait des fonds, par le biais d’un mécanisme de compensation, en insistant pour qu’ils soient livrés en main propre à MmeBettencourt.
Les 100 000 euros ont-ils été débloqués ce jour-là ? Toujours est-il que le 5 février 2007, un coursier débarque chez Mme Bettencourt, en présence de M. de Maistre, entre 17 h 15 et 17 h 45. Les enquêteurs ont établi que les fonds étaient toujours livrés ainsi. Deux jours plus tard, le 7 février 2007, M. de Maistre et M. Woerth se retrouvent de nouveau, le matin, toujours dans ce café discret. Juste après la rencontre, le trésorier de l’UMP file au QG, où se tient une réunion avec l’équipe financière.
“Il voulait évoquer l’importance du rôle des PME dans l’économie française”, se défend l’ex-ministre sur procès-verbal pour justifier ce rendez-vous avec M. de Maistre. L’explication ne convainc pas le magistrat qui relève notamment que l’agenda de M.Woerth mentionne ce jour-là deux réunions importantes censées se tenir aux mêmes horaires, mais au QG de campagne. Pourquoi, du coup, ne pas avoir organisé le rendez-vous au bureau ? Pour M. Woerth, le café, “c’est plus convivial”. Il réfute la thèse du magistrat, convaincu que 100 000 euros lui ont été donnés ce jour-là. “Patrice de Maistre ne m’a jamais remis d’argent liquide”, assure l’ex-ministre au juge.
ARGENT DISCRÈTEMENT DÉBLOQUÉ
Quoi qu’il en soit, le lendemain, 8 février 2007, l’étude Merkt à Genève reçoit un virement de 560 000 euros, sur un compte de Mme Bettencourt, la somme paraissant provenir d’un système de compensation. Le magistrat semble donc persuadé qu’une partie de l’argent ainsi discrètement débloqué est parvenu à M. Woerth, dans le but, de financer – illégalement – la campagne de M. Sarkozy.
Via un procès-verbal daté du 27 février, le juge Gentil a donc décidé de verser à la procédure ouverte pour “abus de faiblesse” plusieurs témoignages d’anciens membres de la maisonnée Bettencourt. Il précise sa pensée: “Disons faire le lien avec plusieurs dépositions de témoins faisant état d’une visite de Nicolas Sarkozy au domicile de Liliane Bettencourt pendant la campagne présidentielle de 2007.” Pour le magistrat, il s’agit de prouver que cet argent sorti en liquide de Suisse, a servi, in fine, à financer la campagne de M. Sarkozy. Il accumule donc les indices. Comme cette phrase extraite d’un cahier tenu par l’écrivain François-Marie Banier. A la date du 26avril 2007, celui-ci mentionne que sa richissime confidente se plaint des exigences financières de Nicolas Sarkozy. Or, ce même 26 avril 2007, 400 000 euros, décaissés de Suisse, ont été apportés à M. et Mme Bettencourt.
Pourquoi cette arrivée d’espèces, alors que le couple “n’avait pas de besoins pour financer son quotidien puisque tout lui était acheté”, comme l’a expliqué Mme Thibout au juge ? Sur l’implication de M. Sarkozy, les dépositions des témoins apportent au magistrat des éléments nécessaires, à défaut d’être suffisants. Secrétaires ou chauffeurs, ils sont formels : M. Sarkozy a bien rendu visite à Mme Bettencourt durant la campagne électorale. Mais ces rencontres-là, le dictaphone du majordome Pascal Bonnefoy, dont les enregistrements pirates ont déclenché toute l’affaire, ne les a pas enregistrées…
http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/05/23/bettencourt-la-piste-du-financement-illegal-de-l-ump_1705801_3224.html
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