En 2007, après une campagne tumultueuse où il avait fait la course en tête, et malgré un apparent resserrement des courbes dans la dernière ligne droite, Nicolas Sarkozy sortait largement vainqueur du premier tour, reléguant Ségolène Royal derrière lui avec un écart jugé très difficile à rattraper. En 2012, après une campagne tumultueuse où il a toujours été derrière Hollande, et malgré un éphémère « croisement des courbes » dans la dernière ligne droite, Nicolas Sarkozy sort deuxième du premier tour, avec une pénurie de réserve de voix hypothéquant ses chances de rattraper le candidat socialiste.
En 2007, Ségolène Royal doit prendre tous les risques dans l’entre-deux-tours, tendre la main aux centristes et à l’incontournable Bayrou, risquant de perdre sa gauche. Elle doit même organiser un débat avec le candidat de l’UDF pour attirer ses électeurs. Nicolas Sarkozy, lui, gère tranquillement son avance. En 2012, Nicolas Sarkozy doit prendre tous les risques dans l’entre-deux-tours, tendre la main aux frontistes et à l’incontournable Marine Le Pen, risquant de perdre le vote du centre. Il doit même organiser des meetings aux accents délirants, où il se déchaîne contre le « drapeau rouge ». François Hollande, lui, s’applique tranquillement à rassembler. De Jean-Luc Mélenchon à François Bayrou.
En 2007, Ségolène Royal tente le tout pour le tout lors du grand débat d’entre-deux-tours, passant à l’attaque tous azimuts contre Sarkozy. L’offensive est courageuse mais ne retourne pas l’opinion. En 2012, Sarkozy mise tout sur un débat où il va, jure-t-il, « exploser » François Hollande, réclamant même trois séances. L’offensive est hargneuse, passe par la case DSK, mais se solde par une appréciation négative dans les sondages du lendemain.
En 2007, Nicolas Sarkozy s’offre un triomphe romain dans un Bercy plein à craquer, sous la haute autorité de Bigard. Ségolène Royal réplique le 1er mai par un Charléty ensoleillé qui regonfle à bloc ses militants. « On va gagner ! ». En 2012, François Hollande rassemble le peuple de gauche dans un Bercy électrisé par Sanseverino, les Neg’ Marrons et Yael Naïm. Nicolas Sarkozy réplique le 1er mai par un Trocadéro ensoleillé où, l’ivresse de la foule lui montant à la tête, il repère « 200 000 participants ». « La France aux Français ! ».
En 2007, Nicolas Sarkozy incarne un projet, même ses détracteurs le reconnaissent, l’espoir d’un changement, sa fameuse « rupture », une modernisation de la France endormie dans l’ère Chirac. En 2012, Nicolas Sarkozy incarne un passif, même des électeurs et responsables de droite le reconnaissent, le bilan-boulet d’une France divisée et plus clivée que jamais, une ère « Sarko » cauchemardesque dont on aimerait bien se réveiller.
En 2007, le futur président Sarkozy s’apprête à nommer les premiers Français « issus des minorités visibles », comme on dit pudiquement, à la tête de ministères d’importance. En 2012, le candidat Nicolas pérore sur les « personnes d’apparence musulmane », confond « étranger » et « Islam », et se répand en imprécations contre le vote des étrangers.
En 2007, Sarkozy obtient au bout du compte 53% des voix. En 2012, c’est le score que prédisent la quasi-totalité des instituts de sondages pour François Hollande.
En 2007, Sarkozy entendait renverser la table. En 2012, c’est lui-même qui peut finir sur la tête. Avec l’aide, dimanche, de votre bulletin de vote.
Romain Pigenel
Agression de Ruth Elkrief par l’UMP : « Ils avaient trop lu Bourdieu »
TOULON, FRANCE. Que s’est-il réellement passé jeudi soir à Toulon, lors du dernier grand meeting de campagne de Nicolas Sarkozy ? Ruth Elkrief, dépêchée sur place pour suivre l’événement pour BFM TV, a dû interrompre en catastrophe son direct, étant prise à partie par des militants UMP. « On nous a traités de vendus, de collabos, il y a eu des crachats, quelqu’un disait On est de droite et fiers de l’être », relate la journaliste, évoquant également des « crachats » et des « jets de bouteille ».
Alors que vendredi matin Nicolas Sarkozy, à l’antenne d’Europe 1, s’est dit « désolé » tout en demandant de comprendre « l’attitude des gens qui sont exaspérés par une forme d’intolérance et de parti-pris » des médias, l’Agence de Presse Variae a recueilli le témoignage d’un militant UMP présent sur place, qui apporte un éclairage inédit sur cette agression.
Pour Carlito [NDLR : le prénom a été modifié pour assurer la sécurité de notre témoin], cela ne fait aucun doute, l’incident est directement lié à « l’atelier de formation à la sociologie critique des médias » dont sortaient les militants ayant attaqué Ruth Elkrief. « Depuis que l’UMP est devenu un parti de résistance au système et à son candidat François Hollande, nos dirigeants ont compris l’utilité de nous donner un bagage idéologique et critique pour déconstruire la pensée dominante ». Ainsi, en marge de chaque meeting sont désormais organisés des séminaires et des « travaux pratiques, par exemple apprendre à décrypter le journal télévisé de David Pujadas et celui de Laurence Ferrari », pour mieux comprendre « comment ils en viennent à fabriquer du consentement ».
Avant Toulon, le dispositif a pris une tout autre ampleur : « les organisateurs nous ont invités à un marathon de projection cinématographique, consacré à l’œuvre de Pierre Carles ». Étaient ainsi proposés aux militants les films « Pas vu pas pris », « La sociologie est un sport de combat », ou encore « Fin de concession ». Cette immersion dans la filmographie du cinéaste militant a visiblement échauffé les esprits des militants UMP, qui sont sortis de la salle « plus remontés que jamais » contre les manipulations orchestrées par les grands médias. Selon Carlito, l’agression de Ruth Elkrief s’est ainsi accompagnée de cris et de slogans très explicites : « Habitus de merde », « société du spectacle », ou encore « Salauds, Bourdieu aura votre peau ».
Un surcroît de formation intellectuelle peut-il entraîner un surcroît de violence ? Un paradoxe à méditer durant les dernières heures de campagne. Carlito, quant à lui, ne cache pas une certaine déception : « à cause de ces échauffourées, le cours de Frédéric Lefebvre intitulé « Guy Degrenne et le situationnisme » a été annulé, c’est dommage, ça avait l’air intéressant ». Gageons que ce jeune militant dynamique aura d’autres occasions de se confronter à ces deux grands penseurs.
Romain Pigenel, pour l’agence Variae