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Soyez rassurés, Marine reste bien Le Pen

C’est une dépêche AFP qui a retenu mon attention, dans la polémique autour de la participation de Marine Le Pen a un bal de l’extrême-droite autrichienne. Bien entendu, la candidate du Front National conteste cette version des faits, crie à la stigmatisation, au complot du reste de la classe politique pour l’empêcher de parler, et en appelle même à une étonnante « Union des Français Juifs », dont le communiqué est repris sur le site du Front National, pour expliquer que le parti qui l’invitait en Autriche, le FPÖ, n’a rien de « néo-nazi ». Business as usual.

 

Moins habituel, et plus marquant, est le cri du cœur poussé par l’héritière Le Pen dans sa tentative de justification. Le nazisme ? Un « summum de la barbarie », qui « fut une abomination et il m’arrive de regretter de ne pas être née à cette période pour avoir pu le combattre ». Mieux encore, notre Marine nationale part en croisade contre les méchants qui tentent de banaliser ce mal absolu : « n’est-ce pas une manière de banaliser le nazisme que de traiter tous les gens qui ne sont pas d’accord avec vous de nazis en toute circonstance ? ». Chapeau l’artiste : en fait, ce seraient les anti-racistes et autres opposants du FN qui dédouaneraient le nazisme de son statut particulier !

 

Marine Le Pen, pire ennemie du nazisme, rêvant à un Retour Vers Le Futur pour entrer en résistance contre la Croix Gammée ? Tout ceci est très beau, et tirerait presque quelques larmes à l’auteur de ces lignes. Larmes qui restent malheureusement bloquées dans le canal lacrymal, à la lecture des mots prononcés juste avant par la candidate en quête de signatures : « Je ne peux que m’en remettre à l’intelligence des Français: ils savent mon aversion pour tous les totalitarismes, qu’ils soient nazi, communiste ou mondialiste, ce dernier étant pourtant soutenu par l’ensemble du système que je combats ».

 

Finalement, MLP a donc un « combat » à mener pour la consoler de ne pouvoir affronter le nazisme : celui contre le mondialisme. Mondialisme ainsi défini dans le dernier ouvrage de la candidate : « idéologie qui a pour trait principal de nier l’utilité des nations (…) et qui vise à façonner un nouvel homme, ‘l’homo mondialisus’ (…) vidé de toute croyance, de toute solidarité, de toute identité nationale et de toute référence historique. ». On peut déjà s’interroger sur le concept de totalitarisme quand il permet de mettre dans un même sac, pour les assimiler sans plus de nuance, nazisme et communisme. Mais que penser d’un usage de ce même « totalitarisme » pour mettre, dans un sac plus grand encore, une idéologie politique génocidaire, et un prétendu mouvement de pensée commettant le terrible crime de « nier l’utilité des nations » ?

 

La ficelle est un peu grosse, et constitue une technique parmi d’autres de la rhétorique révisionniste. Mettre un signe égal entre deux choses qui n’ont rien à voir, pour adoucir les torts de la première et la banaliser par comparaison avec la seconde.  La phrase de Marine Le Pen est d’ailleurs encore plus habile, car elle semble mettre le mondialisme un cran au-dessus, en termes de danger, du nazisme et du communisme, puisqu’il est « soutenu par l’ensemble du système ». Autrement dit, le nazisme est moins dangereux que le mondialisme, puisque « tout le monde » condamne l’idéologie hitlérienne, tandis que « tout le monde » soutient le fléau de la mondialisation. Rien de pire qu’un ennemi qui n’avoue pas son nom.

 

Chapeau l’artiste (bis). En une seule et même intervention, Marine Le Pen parvient à semer la confusion (je suis la pire ennemie du nazisme) et à envoyer un signal aux durs de son camp (nazisme=communisme, et que dire du mondialisme !). Pas d’inquiétude pour ceux qui étaient perdus : Marine reste bien Le Pen.

 

Romain Pigenel

[OFFRE D’EMPLOI] Parti politique recherche agents d’ambiance pour déplacements officiels

Référence de l’offre : UMP-2012-MISSIONIMPOSSIBLE

Secteur d’activité : accueil, comédie, mime, figuration costumée

Qualification : pas trop élevée (ne jamais poser de question sera un plus appréciable)

Lieu de travail : itinérant (potentiellement, tout endroit atteignable par Air Sarko One)

Type de contrat : néant, flexibilité absolue souhaitée

Date de début : confidentielle (entrée en campagne de l’employeur)

Durée : nombre de jours séparant l’entrée en campagne du 22 avril, avec rallonge possible de deux semaines

Nombre de postes : élevé (foule)

Niveau d’expérience : intense

 

Le client :

Un Palais de l’Ouest parisien, qui cherche à rester discret pour le moment. Les factures seront adressées à un grand parti politique français en cours de restructuration.

 

Description du poste :

Enfilant un costume qui vous sera livré sur site (ouvrier, infirmier, SDF, enseignant …),  et muni de matériel en conséquence (marteau, seringue, couverture de survie, tableau noir …), vous assurerez une présence chaleureuse et conviviale quand votre client arrivera pour sa visite officielle. Tout en faisant mine de pratiquer l’activité pour laquelle vous êtes outillé, vous expliquerez (texte fourni) à votre client ce que vous faites, et insisterez sur l’effet bénéfique qu’ont eu ses décisions politiques nationales sur votre cas individuel (argumentaire fourni).

Vous formerez avec vos collègues des attroupements autour de lui, de façon à toujours rester dans le champ des caméras. Vous scanderez les slogans (« Sarkozy président », « deux mandats sinon rien », etc.) qui vous auront été transmis au préalable. Vous insisterez auprès des journalistes sur l’impression positive que vous a faite votre client (« il est très déterminé »).

 

Profil recherché :

Idéalement fan du président sortant (mais nous ne nous faisons guère d’illusions), vous êtes capable de supporter sa vue ou son contact sans défaillir, et sans vous mettre à l’insulter. Si c’est lui qui vous agresse, vous vous contrôlez assez pour ne pas réagir autrement que par un « bien entendu, Monsieur le Président, comme il vous plaira ».

 

Perspectives d’évolution du poste :

Quasi nulles dans l’immédiat, mais vous serez recontacté en 2017

 

Dossier suivi par Romain Pigenel

[INSOLITE] Epidémie de torpeur pendant une émission politique en France #DPDA

PARIS, France. Dans la soirée de jeudi, les urgences et les sapeurs-pompiers ont été débordés d’appels affolés de dizaines de milliers de foyers français, confrontés à des phénomènes inexpliqués se reproduisant à l’identique sur l’ensemble du territoire.

Une victime de la mystérieuse épidémie

Des téléspectateurs ont été retrouvés devant leur téléviseur, plongés dans un profond sommeil nécessitant souvent l’utilisation d’électrochocs ou de violents coups sur la tête pour les réveiller.

 

Selon les autorités, ces téléspectateurs ont tous pour point commun d’avoir tenté de regarder l’émission politique « Des Paroles Et Des Actes », sur France 2, avec François Fillon pour principal invité.

 

« J’ai essayé de me concentrer sur ce qu’il disait, mais les mots se mélangeaient dans ma tête, et mes paupières se fermaient », témoigne Nicolas J., habitant le Kremlin Bicêtre. « Ses sourcils ont quelque chose d’hypnotique, à un moment ils ont envahi mon champ de vision et j’ai perdu conscience ». Pour Ema D., Montreuil, « Il récitait une sorte de litanie religieuse, où revenaient toujours les mots « crise », « Sarkozy » et « Allemagne », j’ai essayé de me planter un couteau dans la jambe pour rester éveillée, mais cela n’a pas suffi ».

 

Les secours font également état de nombreux dommages collatéraux, comme dans une commune bretonne où les ronflements ont atteint un niveau sonore tel que plusieurs habitants ont subi de graves lésions du tympan. A Lyon, des départs d’incendie multiples ont été signalés, des habitants s’endormant en laissant leur four allumé, ou leur fer à repasser branché. Plusieurs banques ont été cambriolées, les vigiles ayant eu la malchance de régler leur moniteur de contrôle sur France2.

 

Selon le professeur Durand de l’APHP, de telles épidémies de somnolence ne sont pas inconnues, mais ne surviennent que une à deux fois par millénaire. Il faut remonter à des récits archéobabyloniens, d’authenticité contestée, pour trouver trace d’un phénomène de cette ampleur, selon plusieurs historiens contactés par nos soins.

 

Les compagnies d’assurance se préparent d’ores et déjà à de nombreuses et complexes procédures judiciaires, les avocats du service public et de l’UMP se rejetant la responsabilité des sinistres.

 

Romain Pigenel, en direct de la cellule de crise du Ministère de l’Intérieur

Sarkozy, président-midinette

Sarkozy restera comme le président qui parle, même lorsqu’il ne parle pas. Mieux : qui parle d’autant plus qu’il ne parle pas. Adepte du off, savamment dosé, savamment fuité, délivré à des confidents du soir ou à des journalistes qui savent qu’il sait qu’ils savent qu’ils sait qu’ils vont parler (et réciproquement). Quand Sarkozy on se tait ou se mure dans son « job » (comme il dirait) de président, Sarkozy off se déchaîne, commentant la nullité de ses adversaire ou détaillant ses chances de victoire. Ah les délices de la mise en abyme, de ces articles « confidentiels » réalisés à partir de off de conseillers proches recueillant eux-même les off du président !

Le off est déjà, par nature, une pratique nombriliste, visant à entourer d’une aura de mystère et d’importance les propos tenus sous son couvert, ainsi que ceux qui les tiennent. Mais depuis quelque temps, c’est de nombrilisme au carré qu’il s’agit avec l’ex-maire de Neuilly. Il y eut la récente séquence « Caliméro », avec le voyage en Guyane durant lequel il s’épancha auprès de son escorte journalistique sur la possible fin de son parcours politique. Elle généra suffisamment de bruit pour lui permettre de maintenir la tête hors de l’eau pendant une semaine écrasée, par ailleurs, par le lancement de campagne de François Hollande. Il y a maintenant, cette semaine, les commentaires off de la réception du off guyanais. Une réunion avec les parlementaires UMP où il est question de l’attente « qui fait monter le désir ». Des vœux à la presse mêlant forfanteries et cajoleries : « J’essaierai de continuer à vous surprendre, peut-être, avec une certaine malice, déjouer certains de vos pronostics […] Je suis l’homme qui se remet des dépressions le plus rapidement possible ». Des confidences au coin du feu, enfin, avec sa garde rapprochée : « Je ne vous dirai rien [sur ma candidature] ! Je serai très secret, parce qu’il faut que je surprenne ».

 

Il y a un mot pour décrire cet étrange ballet, mêlant psychologie de comptoir, exhibitionnisme de l’intime et moelleux satisfécits : la minauderie. Sarkozy minaude, avec les autres, avec lui. Fasciné par la contemplation de sa propre personne, de ses bobos passagers, de ses perspectives, il essaie de faire de lui-même un sujet politique central, accueillant par des feulements de plaisir les brèves, et les échos des off des off des off, comme autant de miroirs qu’on lui tendrait pour refléter dans l’infini de l’infosphère sa petite personne. Et pendant que le pays est dégradé par les agences de notation (pour ne prendre que la partie émergée de l’iceberg), Nicolas Sarkozy tient salon, tient antichambre, tient confessionnal, midinette politique pouffant d’aise quand elle gère ses petites histoires personnelles comme le journal intime d’un adolescent.

 

Mais justement – va-t-on sûrement me rétorquer – il semblerait que le Président va sortir un ouvrage (J’ai changé 2, le retour), qualifié de « très personnel », où il fera amende honorable sur les débordements de son quinquennat, revenant même sur l’emblématique « cass’ toi pov’ con » ! Si c’est exact, on ne peut imaginer pire aveu de son incapacité, en fait, à changer. Comment imaginer que les Français, dans les difficultés qu’ils traversent, puissent se (re)prendre de passion pour un homme ne trouvant rien de mieux à faire, à quelques semaines du scrutin, que de publier un long exercice d’auto-apitoiement ou, au mieux, de mea culpa ! Présenter ses excuses de manière si grandiloquente, c’est encore vouloir mettre son individualité au centre du jeu. C’est fauter tout en voulant se faire pardonner. C’est là toute l’aporie du sarkozysme : les Français en ont effectivement plus qu’assez de ce président qui a passé cinq ans à penser à lui et à ses amis ; mais pour les guérir de cette impression, il doit bien reparler de lui, pour modifier son portrait auprès d’eux. Le serpent se mord la queue.

 

Sarkozy, en résumé ? Le président qui ne change pas, surtout quand il explique qu’il change.

 

Romain Pigenel

Madame Merkel, je vous présente les excuses du peuple français

Chère Madame Merkel, Frau Kanzlerin,

 

J’ai pris ma plume la plus rêche à la main, et j’ai enfilé mon cilice de pénitent, pour vous adresser cette supplique.

Nous avons pêché par légèreté et vanités collectives, de ce côté du Rhin, aveuglés que nous sommes par l’arrogance sans égal du camarade François Hollande. Laissant de côté les intérêts de l’Allemagne, oubliant follement la Crise™ qui ne nous laisse Aucune Alternative™, cédant à nouveau à la folie dispendieuse et à l’amour de la dolce vita (ces tares bien connues des peuples latins), nous avons fauté. Oui – et je pèse mes mots – nous nous sommes comportés comme des enfants capricieux et irresponsables, opposant leurs cris et leur pleurs impuissants à la kolossale menace économique et financière, qui humilie l’Europe non-germanique et la contraint à tous les sacrifices.

 

J’éprouve – je vous l’avoue, Frau Kanzlerin – une honte ravageuse, au simple fait d’évoquer mentalement ce que j’ai à vous dire. Alors vous rendez-vous compte, s’il faut que je l’écrive ! Je prends mon courage à deux mains : l’actuel favori de la présidentielle, François Hollande, a osé évoquer une renégociation du pacte budgétaire européen, s’il est élu.

 

Les mots me manquent pour commenter et juger cette aberration. Aussi vais-je reprendre les vôtres, rapportés dans un article du Point au titre sobre et informatif (« Hollande risque d’ouvrir une crise européenne avec Merkel »). Vous avez donc, chaleureusement mais justement répondu à la démence socialiste : « L’Europe ne pourrait pas fonctionner si tout ce qui a fait l’objet d’un accord était remis en question dès qu’un gouvernement change ».

 

Pourquoi, pourquoi doit-on seulement marteler de telles évidences ! Pourquoi faut-il même que le représentant de commerce de votre succursale française – un certain Alain Juppé – soit contraint d’insister auprès de nous – « Si jamais il y avait une alternance, on verrait si la France reviendrait sur cette signature. Je pense que ce serait très, très dommageable pour les intérêts de notre pays et pour l’Europe elle-même » !

 

Pourquoi faut-il que vous soyez obligée, Frau Kanzlerin, de détourner un instant vos yeux du destin fabuleux de votre pays, pour rappeler que vous ne pouvez « pas imaginer que la France n’applique pas correctement la règle d’or » en cas de changement de majorité ! Comme si cela n’allait pas de soi ! Comment pouvons-nous être aussi ingrats, face à vos efforts permanents de compréhension et de générosité !

 

J’ai longuement médité, dans une nuit sans sommeil, ces éléments qui font de notre pays la honte du Vieux Continent. La conclusion est tombée d’elle-même : les indigènes primitifs que nous sommes n’ont pas abdiqué leur croyance en une vieille idole païenne : la démocratie. Indécrottables démocrates que nous sommes, nous persistons à vénérer le libre-arbitre des peuples, et leur droit à décider eux-mêmes de leur destin. Il faut nous excuser : à la différence de nos voisins méridionaux, qui, dans leur récente modernisation, se sont munis de représentants des agences de notation comme dirigeants, nous persistons à croire au suffrage universel et à son primat. Un peu comme si nous persistions à préférer les pigeons voyageurs aux tweets !

 

Le rouge me monte au front (sans doute mon surmoi marxiste, pardonnez-moi) quand j’entends que vous allez être obligée de quitter votre trône berlinois pour soutenir la campagne électorale du gérant de votre succursale française, Monsieur Sarkozy. Et je dois vous prévenir : dans leur chauvinisme de primates arriérés, mes compatriotes n’aiment rien moins que quand des étrangers – surtout plus évolués qu’eux – viennent leur donner des conseils pour s’améliorer.

 

Peut-être pourriez-vous nous expliquer, à la place, comment devenir Allemands ?

 

Votre humble serviteur,

 

Romain Pigenel

Aidons Nicolas Sarkozy à ménager le suspense sur sa candidature

Nicolas Sarkozy n’est pas encore candidat. Tout en l’étant. Enfin, pas vraiment, mais un peu quand même, si on se réfère aux standards d’une candidature, même si les standards de la déclaration officielle de candidature (selon les normes reconnues par la Cour Pénale Internationale) n’ont pas été à proprement parler respectés. Vous me suivez toujours ? Bien. Donc le président de la République, sorte de chat de Schrödinger de l’Élysée, est à la fois candidat et pas encore candidat, ou plus exactement ni candidat, ni non-candidat. Et cette situation est tout aussi difficile à exprimer pour lui qu’elle est métaphysiquement complexe. Durant le #Sarkoshow de dimanche, notre président a réalisé des prouesses sémantiques pour définir cet état qui défie les lois de la physique la plus poussée, et du code électoral. Il a ainsi affirmé : « J’ai un rendez-vous avec les Français, je ne me déroberai pas et franchement, ça approche », tout en en rétorquant : « Je ne peux pas mettre ce pays en situation d’avoir un président candidat pendant des mois interminables ». Il a de même précisé son état d’esprit – « très déterminé » – tout en expliquant que quel que soit l’intérêt qu’il pourrait avoir à se dire candidat, il ne le peut, étant « président du cinquième pays du monde ». Bref, c’est vraiment très compliqué.

 

Imagine-t-on les heures de torture mentale, de supplice lexical, pour trouver des façons crédibles et compréhensibles de laisser entendre qu’il est candidat sans l’être encore ? Soucieux de contribuer au « courage » et à la « force » qui sont désormais les devises du quinquennat actuel (ou du prochain, si jamais la pas-encore-candidature se transformait en candidature tout court), j’offre ici à l’Élysée une série d’étapes clés-en-mains pour faciliter son travail : maintenir le suspense sur une nouvelle candidature Sarkozy, sans flétrir l’espérance.

 

Situation 1 – Visite dans une usine

Le président, casque de chantier vissé sur le crâne, visite une usine sidérurgique. Alors qu’il est plongé dans une vive conversation avec un groupe de chaudronniers (« vous savez, y en a qui n’aiment pas ça, mais moi j’ai toujours trouvé qu’y a rien de plus beau que le métier de chaudronnier »), une journaliste l’alpague, en criant plus fort que le vacarme environnant. Toujours pas de candidature en vue ? Réponse : « Je ne suis pas sourd aux attentes du peuple français », mais « il faut savoir se protéger du bruit médiatique parisien », ajoute-t-il en enfilant un casque antibruit.

 

Situation 2 – Excursion dans une ferme

Nicolas Sarkozy, en pleine crise de chiraquisation, erre des vaches au poules, flattant le derrière des premières avant de distribuer un peu de grain aux secondes, qui s’attaquent à ses mollets. Pendant qu’il les repousse à grands coups de talonnettes, un journaliste l’apostrophe : Monsieur le Président, y voyez-vous plus clair sur votre entrée en campagne ? Alors que ses gardes du corps mettent en fuite les poules, le président sortant réplique : « Finalement, ces poules n’sont pas si désagréables, elles ne me harcèlent pas sur une question bien éloignée de mon job à l’Élysée, au service d’tous les Français ! » avant de reprendre : « Pas d’poules sans coq. Le moment venu, il faudra bien qu’un coq entre dans la basse-cour. ».

 

Situation 3 – A Pôle Emploi

Le locataire de l’Élysée est accueilli dans une agence de Pôle Emploi. Après quelques minutes de flottement durant lesquelles il s’acharne à appeler le directeur de l’agence Paul, sans que celui-ci ne comprenne qu’il s’adresse à lui, il est agressé par un usager en colère qui vient de se faire radier sans raison pour la troisième fois. Sous les caméras de la télévision, il ne se démonte pas : « Vous savez m’sieur, c’est quand même incroyable qu’vous-vous-vous-vous rendiez pas compte, hein, d’la chance qu’vous avez de pas avoir de responsabilité, d’vous lever à l’heure qu’vous voulez l’matin ». Avant de reprendre, pendant que ses gardes du corps plaquent au sol l’insolent : « Mais comment voulez-vous qu’y ait des gens comme vous, libres de leur emploi du temps, si y a pas des gens comme moi pour s’en occuper ? »

 

Situation 4 – Passage nocturne dans un commissariat

Nicolas Sarkozy fait une visite surprise nocturne dans une BAC de banlieue, accompagné d’une cinquantaine de journalistes et du double de gardes du corps. « Le combat pour l’insécurité, hein, il ne suffira pas d’un mandat pour l’gagner. C’est pas en dix ans qu’on efface les traces du laxisme  de la gauche plurielle ». Alors qu’un officier lui explique qu’il n’est pas sain pour un policier de rester trop longtemps dans cette unité, le pas-encore-candidat commente, les yeux dans le vague : « J’vous comprend tellement bien. Et dire que vous pourriez être ailleurs, à vous faire d’l'argent pendant ce temps ! Et moi aussi, d’ailleurs. ».

 

Romain Pigenel

[URGENT] Communiqué spécial de l’Élysée

A tous les bons Français, aux patriotes, aux donateurs du premier cercle de l’UMP et à la presse indépendante, de TF1 au Point,

L’heure est grave. L’ennemi socialo-communiste, et son général en chef le tovaritch François Hollande, se rapproche dangereusement de l’Élysée, plein d’arrogance et d’étranges chorégraphies.

Nous avons perdu la bataille des sondages, celle du Triple A, celle de la croissance, celle de la dette, celle de l’emploi, celle de la violence, et celle du pouvoir d’achat. Mais nous n’avons pas perdu la guerre ! Des forces immenses demeurent invaincues et prêtes à venir à notre secours, de l’autre côté de la Manche du côté de la City de Londres, ou de l’autre côté du Rhin chez la chancelière Merkel.

Nous devons tenir jusqu’à l’arrivée de ces renforts. Aussi décrétons-nous la mobilisation et la réquisition générale des moyens de l’État pour défendre la patrie en danger.

Le président demande à chaque ministère, chaque administration, chaque officine un tant soit peu publique de concentrer tous ses moyens contre François Hollande et en défense de la majorité sortante. A partir de maintenant, la République passe en niveau d’alerte « Marie-Luce Penchard », du nom de la ministre de l’Outre-Mer, qui a courageusement osé bravé la bien-pensance et le « qu’en dira-t-on » en utilisant le site de son ministère pour dénoncer directement le programme dangereux, irresponsable et démagogique du candidat socialo-léniniste.

Le courageux communiqué d'une ministre entrée en résistance

Rejetant le voile d’hypocrisie et de pensée unique que l’on appelle couramment « l’intérêt général », la brave Marie-Luce a su trouver les bons mots, en pleine page du site du Ministère de l’outre-mer, pour dénoncer la forfaiture socialiste : « tour de passe-passe », « jeu de bonneteau », « fausse ambition » et « coquille vide ».

Nous demandons à tous les fonctionnaires et assimilés de prendre exemple sur cet acte d’indignation et de résistance contre le nouveau candidat du système.

Aux professeurs, de commencer leurs cours par un rappel sur les millions de morts du socialo-communisme et le passé vichyste de François Mitterrand. A France Télévisions et à Radio France, de diffuser désormais un bulletin d’information quotidien reprenant la newsletter de l’UMP. Aux forces de l’ordre de mettre sur écoute tous les individus se réclamant du parti socialiste, et de faire remonter à Xavier Bertrand toute information susceptible de les mettre en difficulté (adultère, fin de mois à découvert, téléchargement illégal …). A HADOPI de faire mettre sous surveillance les accès web des militants et dirigeants socialistes.

Les fonctionnaires de chaque administration, les chercheurs du CNRS et de l’INSERM doivent être réquisitionnés pour travailler à produire des contre-argumentaires et des démontages officiels des 60 engagements du candidat Hollande.

Nous demandons également à ce que tous les moyens logistiques nécessaires (véhicules, appareils audio-visuels et informatiques, argent liquide …) soient immédiatement remis à toute personne pouvant se prévaloir d’un ordre de mission de l’Élysée.

Tous ensemble, avec les moyens publics détournés, nous pouvons encore remporter cette élection ! Vive notre République, vive la Sarkofrance !

Intercepté par Romain Pigenel, sur un signalement de @uneparmidautres et Diego-san

Agence d’idées (9) : l’appli smartphone Xavier Bertrand

L’agence d’idées Variae salue la proposition innovante de Xavier Bertrand au sujet de la fraude sociale. « Je pense que tout jugement devrait entraîner la parution dans la presse de l’identité des fraudeurs et de la nature de la fraude. Pourquoi ? Parce que je veux un effet préventif pour dissuader les fraudeurs. ». C’est un très bel exemple de « pédagogie » politique, comme dirait Valérie Rosso-Debord. Par exemple, si on affichait plus souvent en une des sites d’information les noms des ministres UMP qui ne tiennent pas leurs promesses, ou des Français fortunés qui fraudent les Impôts grâce à l’optimisation fiscale, il est évident que ces deux fléaux seraient déjà en voie de disparition. L’idée est donc bonne – mais sa mise en œuvre encore perfectible. Car il faut regarder les choses en face, les médias institutionnels n’ont plus la légitimité et le lectorat qu’ils ont pu avoir par le passé. Alors, sur quel support pousser cette information essentielle, au sujet de ces pauvres qui, non content d’être pauvres, volent, pour que l’ensemble de nos concitoyens s’y intéressent et en soient informés ?

Le think tank Variae a réuni sa commission « Délation et citoyenneté numérique », qui a conclu de manière unanime sur les recommandations qui suivent.

Créer une application Xavier Bertrand

Cette application sera installée de force sur l’ensemble des smartphones et tablettes, sous peine de réception d’un courrier d’avertissement HADOPI. Elle permettra d’avertir en temps réel tous les utilisateurs des méfaits commis par l’un d’entre eux. Chaque Français se verra remettre un compte sur cette application lorsqu’il atteindra la majorité, avec un mot de passe unique établi à partir d’un prélèvement de son ADN. Elle sera conforme aux standards les plus pointus du web, et notamment le fameux SoLoMo (social, local, mobile).

Un application sociale

Désormais, tous les Français seront donc reliés par ce nouveau réseau social, qui leur permettra de vérifier à tout moment la moralité de leur voisin. A-t-il eu son compte bancaire dans le rouge ce mois-ci, lui arrive-t-il de pirater de la musique, l’a-t-on vu entrer dans un bureau de vote des primaires socialistes ? Mais l’application ne s’arrêtera pas à cette fonction de consultation. Les utilisateurs pourront également signaler une infraction commise, et faire remonter directement à Xavier Bertrand une photo ou une vidéo prises avec leur appareil, et appuyant leur accusation. Lâchez vos comm’ ^^ !

Une application locale

Vous cherchez à déménager, et ne savez trop quoi penser du quartier où vous visitez un logement ? Pas de problème : utilisant le GPS de votre appareil, l’application Xavier Bertrand vous donnera, dans un rayon de 1 km, le profil de moralité et le casier judiciaire de tous les habitants! Vous pourrez aussi obtenir une estimation de leur couleur politique, et de leur couleur tout court.

Une application mobile

L’application Xavier Bertrand sera bien entendu pensée pour affronter tous les défis de la mobilité. Chaque information (exemple : votre voisine n’a pas payé la cantine de ses enfants) fera l’objet d’une notification, signalée par une vibration plus ou moins forte selon sa gravité. Plus jamais vous ne passerez à côté d’une information sur l’assistanat de votre entourage !

Une application ludique

Autre grande tendance du web, la gamification (tout rendre ludique) sera également au rendez-vous de l’application Xavier Bertrand. Les utilisateurs se verront en effet décerner un score – le Knout – matérialisant leur respect de l’ordre publique et leur propension à signaler les comportements déviants dans leur entourage. Atteindre un certain Knout donnera des avantages croissants, depuis l’obtention d’un badge « Approved by Xavier Bertrand » à imprimer et à accrocher à votre porte, jusqu’à l’adhésion gratuite à l’UMP ou un voyage sur l’île d’Arros.

Une application évolutive

De nombreuses améliorations sont d’ores et déjà envisageables, comme le tatouage forcé d’un code-barres unique sur le visage de chacun de vos watchers (l’équivalent pour l’appli Xavier Bertrand des followers de Twitter et des friends de Facebook), afin de pouvoir les « flasher » avec votre téléphone pour faire remonter encore plus vite une information au ministère !

Romain Pigenel, pour le think tank Variae

Les excellentes recommandations du think tank sont toutes rangées ici.

Mais où se cache donc Nicolas Sarkozy ? #DPDA

Depuis que j’ai appris que ce n’est pas Nicolas Sarkozy qui doit apporter la contradiction à François Hollande lors du numéro de Des Paroles Et Des Actes où il vient présenter son programme, je dois avouer qu’une certaine anxiété me gagne. Comment interpréter cette curieuse reculade ? Que je sache, François Hollande n’est pas candidat au poste de Ministre des Affaires étrangères, fonction occupée par le contradicteur que lui a choisi la droite, Alain Juppé. Nicolas Sarkozy serait-il retenu par des problèmes plus graves que le débat présidentiel ? Pour chasser mon inquiétude, j’ai tenté de construire quelques hypothèses quant à la non-participation du président-candidat.

 

Il a été renversé par l’escorte de Nadine Morano

Un soir en début de semaine, la ministre de l’Enseignement Supérieur a été retenue plus tard que de coutume dans un dîner, mettant en péril sa séance nocturne quotidienne de flooding et de trollage sur Twitter. Prise de panique à l’idée de ne pas pouvoir lâcher sa dizaine d’insultes forfaitaires contre la gauche, elle a ordonné à son chauffeur et à son escorte policière de rouler sur les trottoirs pour aller plus vite. Double hasard : premièrement, l’équipée sauvage est passée devant l’Elysée ; deuxièmement, le locataire du palais a eu la malchance de descendre prendre l’air au même moment. Rassurez-vous, il est sain et sauf, mais il doit se reposer (sur l’île d’Arros me dit-on) dans la perspective de son prêche télévisuel de dimanche soir.

 

Il est frappé d’amnésie anosognosique

Alors que la fin d’un mandat qui pourrait bien être son dernier s’approche, Nicolas Sarkozy est frappé par avance par le syndrome des anciens présidents : l’amnésie non consciente d’elle-même. Il oublie, et il oublie qu’il oublie. Il y avait déjà des signes prémonitoires : comment a-t-il pu oublier par exemple, sa promesse de la campagne 2007 d’un retour du chômage à 5% en fin de mandat ? A côté de tels oublis, celui de l’émission de France 2 est finalement banal et logique. C’est bien simple : quand on lui parle de François Hollande, le président est incapable de voir de qui il s’agit.

 

Il est (enfin !) parti en retraite dans un monastère

En 2007, fort de sa victoire toute fraîche, Nicolas Sarkozy avait fort justement émis l’idée, si ce n’est l’envie, de partir en retraite dans un monastère pour habiter la fonction présidentielle. Cette belle résolution n’avait alors malheureusement pu être menée à bien, le jeune président sacrifiant son intérêt personnel pour accepter l’invitation d’un nécessiteux, bénéficiaire potentiel du bouclier fiscal, sur son yacht. Peut-être a-t-il ressenti le besoin pressant, aujourd’hui, d’habiter la fonction avant de la quitter, et donc de se retirer quelques jours dans une cellule monacale. Il pourra toujours suivre l’émission sur le téléviseur du réfectoire.

 

C’est Alain Juppé qui va être candidat

Et dire qu’il y en avait à gauche pour se formaliser de l’outrage consistant à opposer un « simple » ministre au candidat socialiste ! En réalité, il fallait comprendre le message dans le sens inverse : c’est une déclaration de candidature tacite d’Alain Juppé, qui en a vraiment assez, nous confie son entourage, de « se gâcher pour ces bouseux de Bordelais et ces abrutis de fonctionnaires des Affaires étrangères ». On ne sait pas encore si Nicolas Sarkozy est d’accord, mais il aurait tort de priver la droite d’un tel talent : qui d’autre en France peut se prévaloir de la capacité à rassembler tous les Français contre lui, comme en 1995 ? Oui bon, « contre », mais c’est le « rassembler » qui compte. Si vous commencez à ergoter sur des points de détail, on n’est pas sorti de l’auberge.

 

Romain Pigenel

De quoi le signe du changement est-il le nom ?

C’est l’histoire d’un clin d’œil interne à une campagne électorale, qui prend en l’espace de quelques heures la dimension d’un buzz national. Le fameux signe du changement, premier objet politique depuis bien longtemps (Jacques Chirac et son « mangez des pommes » des Guignols ?) à devenir un gimmick universellement repris, voire un mème multi-support (graphique, vidéo … jusqu’au « monde réel »). C’est ce que l’équipe d’Eva Joly avait tenté de réaliser, me semble-t-il, avec ses lunettes rouges. Mais la campagne de François Hollande a deux atouts majeurs qui font que le buzz a pris, au-delà des intentions de ses initiateurs : premièrement, elle concerne le candidat qui concentre pour le moment les espoirs, et les intentions de vote, des Français qui en ont assez de Nicolas Sarkozy ; deuxièmement, elle s’appuie sur un événement récent – le meeting du Bourget, où a été tournée la vidéo – qui a agi et continue d’agir comme un détonateur d’enthousiasme, et un puissant désinhibiteur pour une gauche qui n’a pas souvent confiance en elle-même.

 

Le plus intéressant dans ce geste stupidement simple est sa capacité à désarçonner les commentateurs. Dans un premier temps, certains ont tenté – par paresse ou par malveillance – de plaquer dessus l’étiquette « lipdub UMP, le retour », alors que l’un et l’autre n’ont rien à voir. Le lipdub UMP était la réponse à une pratique alors en vogue, consistant à mimer une chorégraphie et un playback sur une musique commune à tous les participants, pour mettre en valeur un groupe bien précis (une entreprise, une grande école, ou en l’occurrence un parti politique). Ici, c’est exactement l’inverse : l’invention d’un signe de reconnaissance, de ralliement, que n’importe qui peut reprendre. Le lipdub est un objet en soi et se limite à lui-même ; la vidéo « le changement c’est maintenant » n’est qu’un véhicule pour un signe de ralliement que chacun peut s’approprier. Le lip dub vous place en position exclusive d’observateur – et donc de ricaneur – quand le « signe du changement » vous place en position potentielle d’acteur. D’où les initiatives de reprise (et pas simplement de détournement), diverses et variées, qui ont vu le jour dès les premières heures, Guy Birenbaum ouvrant le bal.

 

Que veut dire ce geste ? Mime-t-il le nouveau logo de campagne de François Hollande ? Représente-t-il le signe « égal », et donc l’égalité, valeur centrale du discours du Bourget ? Ou alors consiste-t-il à signifier que Sarkozy, on en a jusque là (lala dirladada) ? D’autres encore y ont vu une référence à une danse de l’été, voire au vogueing (je parie qu’il ne faudra d’ailleurs pas longtemps pour que des danseurs hip hop s’en emparent). Toutes ces explications valent, et cette pluralité explique la réussite de ce signe : c’est une toile blanche sur laquelle chacun projette ce qu’il veut, et mieux encore, avec un pinceau facile d’accès (son propre corps). C’est un signe de reconnaissance, et de liaison, à un moment où l’actualité est particulièrement morose et où le sentiment de solitude, et d’impasse, est écrasant. C’est un moyen de partage simple et chaleureux, face à une droite qui, du haut (ou plutôt du bas) de son bilan catastrophique, ne sait que moquer et détruire. D’un côté, les « minables » et le « massacre à la tronçonneuse » de Jean-François Copé et de la cellule riposte de l’UMP ; de l’autre, ce geste simple, extrêmement participatif et donc viral, qui contamine jusqu’au reste de la gauche. Comme une manifestation concrète du désir de changer d’air, de changer d’ère.

 

Enfin, puisqu’on parle de viralité, quoi de plus politiquement viral qu’un gimmick non directement politique ? Je l’avais déjà relevé à l’époque du lipdub de l’UMP, et Karim Miské le souligne dans un intéressant papier aujourd’hui : ce genre de gestuelle ou de pratique, n’appartenant pas aux rituels politiciens usés, a toutes les chances de toucher des gens qui, autrement, seraient inatteignables jusqu’au jour du vote. Bien sûr, ce geste ne porte pas directement de message politique (encore que !). Mais quand il se propage, il attire l’attention sur la force politique qui en a été l’émetteur initial, et il finit par créer un mouvement – celui de tous ceux qui le reprennent – qui a sa propre dynamique. Je rêverais, pour ma part, qu’il devienne aussi connu que le « tourner de serviettes » de Patrick Sébastien, jusque dans les banquets de famille. Réponse dans trois mois !

 

Romain Pigenel