A nouveau je réponds à quelques questions de Pierre Villard sur l’actualité du Parti socialiste. En ligne ici.
“Romain Pigenel a accepté une nouvelle fois de répondre à mes questions concernant l’actualité récente autour du Parti Socialiste : tout d’abord “l’affaire Julien Dray”, député socialiste qui serait soupçonné d’activités financières illégales, et les débuts de Martine Aubry au poste de Premier Secrétaire du Parti Socialiste. Pour rappel, Romain Pigenel est enseignant-chercheur en philosophie à la Sorbonne et militant socialiste depuis 2002. Par ailleurs, il collabore étroitement avec Julien Dray, proche de Ségolène Royal.
- A en croire Le Monde, Julien Dray aurait profité de mouvements suspects d’argent en sa qualité de co-fondateur de SOS Racisme et en tant que député de l’Essonne. Est-ce que vous auriez un commentaire à faire sur ce sujet ?
« A en croire le Monde », comme vous dites. Nous assistons depuis quatre jours à un phénomène d’hystérie médiatique autour d’informations parcellaires sur une enquête préliminaire, au mépris du respect le plus élémentaire de la présomption d’innocence, et du secret professionnel. Je vous rappelle qu’à ce stade tout peut encore être classé sans suites. Mais dans tous les cas les dégâts en termes d’image et de réputation sont terribles, après une campagne de presse de ce type. Cela pose une nouvelle fois la question du « journalisme d’investigation » en France, qui se transforme de plus en plus, si vous me permettez l’expression, en « Radio Bruits de Chiottes », et qui se permet de jeter des « fatwa » sur des personnalités publiques, en toute impunité et sans se soucier des conséquences.
- Concernant les débuts de Mme Aubry au poste de Premier Secrétaire, comment avez-vous vécu la défaite de Ségolène Royal pour ce poste ? Avez-vous une remarque sur le décompte très contesté des voix ? Enfin, comment envisagez-vous l’avenir du Parti Socialiste avec Mme Aubry à sa tête ?
Je ne souhaite pas revenir sur le décompte des voix, c’est une affaire qui appartient désormais au passé et il faut aller de l’avant. Martine Aubry est une femme de talent, comme l’atteste sa victoire à l’élection de premier secrétaire, sur laquelle personne n’aurait parié il y un an en arrière. Mais le début de son mandat me laisse plutôt perplexe. Le rôle du premier secrétaire du Parti socialiste, tel que je le conçois, est d’abord et avant tout de restaurer une solidarité de fond entre les socialistes, de réapprendre à tout le monde à travailler ensemble. Or c’est précisément l’inverse qui a été fait, avec l’élaboration d’une direction nationale de guingois, qui « oublie » les représentants de 50% des socialistes ! Je veux bien entendre toutes les explications du monde à ce sujet, mais il n’en reste pas moins que c’est une erreur politique initiale qui risque de grever la suite du mandat de Martine. J’ai par ailleurs le sentiment que le PS est assez peu audible en ce moment, avec beaucoup d’interventions dans tous les sens, beaucoup d’agitation, mais pas de ligne politique qui soit clairement discernable par nos concitoyens. Or c’est précisément ce qu’ils attendent de nous : une ligne ferme, compréhensible, qui donne le sentiment qu’une autre politique est possible.
Je voudrais pour terminer revenir rapidement sur ce que je disais plus haut de la solidarité entre les socialistes, et de « l’affaire » Julien Dray. Il me semble que Martine Aubry, en tant que première des socialistes, aurait dû monter au créneau dès ce week-end pour condamner le lynchage médiatique sans preuves subi par un de ses camarades. Cela aurait été un signal fort sur l’unité des socialistes, bien sûr, mais surtout sur notre attachement aux valeurs et aux droits fondamentaux – la présomption d’innocence en l’occurrence. Cela n’ayant pas été fait, l’UMP, par la voix de son porte-parole Frédéric Lefebvre, a eu l’habileté de prendre la défense de Julien Dray sur cette ligne, et avec les mots qui auraient dû être ceux du PS. Beau coup politique qui vient souligner un peu plus la division du PS … Martine est désormais prise au piège : soit elle parle, et on lui reprochera le retard ; soit elle ne parle pas, et elle accréditera l’impression d’un PS dominé par le chacun pour soi. Le mal est fait, et je crains que nous n’en subissions collectivement les conséquences dans les prochains mois.”
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