Monsieur Chatel, je suis bien marri de devoir vous le dire, mais vous me décevez beaucoup.
Je n’ai jamais été de ceux qui ironisaient sur votre parcours peu banal, de la vente de shampoing et de produits de maquillage au ministère de l’Éducation Nationale, des faux cils à Jules Ferry. J’y voyais même avec plaisir une élévation réjouissante de la matière au concept, de la beauté extérieure à celle de l’Esprit. Ainsi que l’édification d’un pont prometteur entre les illusions de la jeunesse – le savoir, la culture – et son probable destin – pousser son caddie de RMIste devant des murs de gel douche frappé du sceau de Liliane, et préalablement vu à la télé.
Mais dimanche, Monsieur Chatel, quelque chose s’est cassé entre nous. Quand vous avez déclaré : « A chaque fois que les socialistes ont été aux responsabilités, on a eu une fuite en avant budgétaire et on a fait reposer sur la génération future les avantages sociaux de la génération précédente. On a fait payer à crédit la cinquième semaine de congés payés, la retraite à 60 ans […] M. Hollande, il était où quand les gouvernements socialistes ont fait la retraite à 60 ans à crédit, la cinquième semaine de congés payés à crédit, ont mis en place les 35H à crédit? ».
Je n’ai pu réprimer, sachez-le, un hoquet rageur, un rictus d’indignation, un tressaillement outré, en lisant ces propos rapportés par les gazettes. N’avez-vous pas honte, Monsieur le Ministre ? N’est-il pas honteux de voir un tel étalage d’inculture historique chez le grand ordonnateur de l’instruction publique ?
Car les responsabilités de la perte de notre trésor national – le AAA – sont bien plus anciennes et profondes.
Le Conseil National de la Résistance, ce ramassis de crypto-socialistes, puis la IVème République marxiste ont laissé se produire une fuite en avant budgétaire, en faisant reposer sur la génération future la sécurité sociale. Il était où François Hollande, quand on a mis en place la sécurité sociale à crédit, hein ?
Émile Ollivier, ce dangereux agitateur député sous Napoléon III, a laissé s’installer les conditions d’une fuite en avant budgétaire, en faisant voter en 1864 la loi instaurant le droit de grève. Et laissant ainsi reposer sur la génération future le coût de toutes ces journées perdues à ne pas travailler, pendant que nos voisins prussiens et l’arrière-arrière-grand-mère de Madame Merkel explosaient déjà les records de temps de travail et de productivité. Il était où François Hollande, quand on a mis en place le droit de grève à crédit ?
Victor Schoelcher, cet inconscient de la IIème République, a toléré avec inconscience une terrible fuite en avant budgétaire, en abolissant l’esclavage dans les colonies. Je vous laisse imaginer l’incommensurable perte de compétitivité, reposant uniquement, une fois de plus, sur la génération future. Il était où François Hollande, pouvez-vous me le dire ? Pourquoi est-ce qu’on ne l’a pas entendu condamner la dérive budgétaire à ce moment-là ?
Monsieur le Ministre, si vous aviez un peu de culture historique, vous auriez compris que les racines du mal socialiste – donc de la fuite en avant budgétaire, donc de la perte du triple A – remontent bien plus loin que François Mitterrand et Lionel Jospin, et que, pour dire les choses franchement, si nous rétablissions l’esclavage dans les banlieues, l’interdiction de grève et de syndicat, et si nous abolissions la sécurité sociale, ce n’est même plus le triple A que nous pourrions viser, mais le quadruple, le quintuple, le centuple A+++² – le compteur des agences de notation risquerait même d’exploser.
Je vous remercie de l’attention que vous voudrez bien accorder à ces considérations.
Romain Pigenel
6 Comments
Hé hop, retirons donc cette abominable tête de gondoles de la semaine du shampooing, pour le fourrer là où il le mérite, c’est à dire dans le sac-poubelle de l’histoire.
Faignasse. Tu aurais pu remonter à Louis XIV ou même Charlemagne.
Etre déçu par les arguments de campagne des adversaires, ça ne manque pas de sel !
Mais qu’avez-vous pensé lorsque Didier Migaud, à l’occasion de l’audience de rentrée de la Cour des comptes, a déclaré qu’aucun pays “comparable au nôtre n’accepte que s’installe un déficit durable de ses comptes sociaux”, ajoutant même : “les déficits sociaux doivent être éliminés” ?
IL ne faut pas rétablir l’esclavage, mais le servage : “les serfs possèdent certains droits légaux et protections, et ne peuvent être vendus. Ils peuvent avoir une famille et un patrimoine. Ils peuvent détenir des biens, et les droits du seigneur sur leur travail sont limités par la coutume et la tradition locales, ce qui permet à la communauté paysanne d’empêcher certains abus seigneuriaux.
Les serfs peuvent acheter leur liberté légale à leur seigneur, et donc s’affranchir eux-mêmes de certaines charges et obligations serviles arbitraires.”
le lien pour plus de précisions http://compilhistoire.pagesperso-orange.fr/servitude.htm#1
Il me semble qu’on y est presque déjà dans certains cas.
Je suis exaspéré de lire encore et encore ce genre de réflexions.
Tu te plantes gravement – et d’autres avec toi – en feignant de croire que l’ensemble de l’UMP ne dit des conneries que par manque de culture ou de connaissance.
Morano, Douillet, Estrosi et quelques autres, ok.
Mais, les Chatel, Copé, Guéant, Wauquier et consorts assènent ces discours en toute connaissance de cause. Ils ne sont pas illétrés ces gens là.
Menteurs, falsificateurs, truqueurs. Voilà la réalité.
C’est une grave erreur de les considérer juste comme des abrutis.
“Le Conseil National de la Résistance, ce ramassis de crypto-socialistes, puis la IVème République marxiste ont laissé se produire une fuite en avant budgétaire, en faisant reposer sur la génération future la sécurité sociale.”
En fait, non ; la Sécurité sociale instaurée en 1945 reposait plutôt sur un principe d’équilibre, de répartition.
Je ne connais pas le détail de la gestion sous la IVème République, et la guerre d’Indochine puis d’Algérie coûtait cher, mais les déficits ont pu être remontés en une seule année (5 points de PIB de redressement) par le Général de Gaulle en 1958.
Ça a marché assez raisonnablement jusqu’en 1980, malgré la double crise pétrolière de 1974-79, grâce à la gestion rigoureuse du gouvernement Barre.
Hausse régulière du niveau de vie, progrès des soins de santé, nouveaux droits sociaux… j’entends peu de gens parler de ces époques comme de temps de régression sociale.
En revanche, depuis 1981, c’est vrai que ça décroche. Moins les gouvernements arrivent à rentrer d’argent, plus ils accordent de droits, à crédit donc.
L’accumulation de la dette sociale, son institutionnalisation, peuvent à mon avis être datées assez précisément de 1981 (la retraite à 60 ans), et 1982 (le chômage de masse) ; et, pour ce qui concerne les soins de santé, j’ai l’impression d’une accélération continue de la chute depuis la fin des années 80.
La création de la CADES (et de la CRDS pour la financer), tentative bien trop optimiste d’endiguer l’endettement, date de 1996. Par ailleurs le gouvernement Juppé (95-97) redressait les finances de l’Etat par une augmentation de la TVA.
Cette parenthèse a été vite refermée et le délire a repris avec les gouvernements Jospin (financement de la réduction du temps de travail par l’Etat sous forme de nouvelle dette), Raffarin, Villepin et Fillon.
C’est effectivement une série noire ; mais ça n’implique pas de remonter à Mathusalem.
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[...] particulièrement depuis l’élection de Nicolas Sarkozy (n’est-ce pas Monsieur Chatel [...]
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