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Les mots de la politique (18) : Baroin et la gauche #pareffraction

Avec sa saillie de mardi, aux questions d’actualité, sur l’arrivée au pouvoir de la gauche « par effraction » en 1997, le jusque là très lisse François Baroin a intégré le club des dérapeurs politiques, troquant sa défroque de gendre idéal contre celle d’aboyeur sarkozyste.

 

Le terme est fort, brutal, répété, et semble donc, si ce n’est préparé, du moins totalement assumé. Que faut-il comprendre ?

 

Premièrement, que la campagne de 2012 sera sale et boueuse. Comme je l’avais déjà noté il y a un an au sujet de Frédéric Lefebvre, la parole politique prend ici une fonction particulière, semblable au trolling sur Internet, consistant à faire déraper le débat pour le pourrir et le court-circuiter. Et de fait, les députés socialistes ont quitté la salle, ce qui n’est jamais une victoire de la démocratie. C’est une technique défensive prouvant une certaine situation de faiblesse : si le gouvernement et le président étaient à l’aise sur leur bilan et leurs perspectives, ils n’auraient pas besoin d’y recourir. Que même François Baroin, qui n’est quand même pas Nadine Morano, tombe dans ce registre est un signal intéressant sur l’ambiance général à l’UMP, et la stratégie actuelle du parti présidentiel, en attendant peut-être une embellie sondagière : cogner, cogner, cogner.

 

Deuxièmement, je vois aussi dans cette attaque une tentative, classique à droite, de relier la gauche à l’illégalité, à l’illégitimité, à l’anormalité. De même que les débats sur la sécurité commencent toujours, à droite, par un rappel du prétendu angélisme des socialistes, suspects de tendresse pour les voyous, de même qu’il est de bon ton de marteler que la gauche est d’une faiblesse coupable à l’égard des assistés et des fraudeurs. Effraction : socialistes = cambrioleurs = désordre. En temps de crise, choisissez l’ordre, choisissez l’UMP. CQFD.

 

Troisièmement, et c’est peut-être le point le plus intéressant, le mot d’effraction révèle en creux une certaine conception du rapport de l’UMP au pouvoir. On a beaucoup rappelé depuis hier combien la droite a toujours considéré que le pouvoir en France lui appartenait et que la gauche était fondamentalement illégitime pour l’exercer. C’est très clair ici. Mais avec le mot de Baroin, on va un cran plus loin encore.

Effraction : « Bris de clôture, de meuble, de serrure que fait un voleur pour dérober. » L’effraction suppose une fermeture, la fermeture d’une propriété. Et par définition, si on enferme quelque chose, c’est aussi pour le dérober à la vue de tout le monde, pour marquer une séparation entre le public et le privé, pour délimiter un domaine de l’intime sur lequel on garde une certaine confidentialité. Dire que quand le PS gagne un scrutin démocratique contre la droite, c’est par effraction vis-à-vis de la droite, cela signifie donc que le sommet de l’Etat est pour la droite une propriété, d’une part, et une propriété privée.

 

« Servir plutôt que se servir », dit-on parfois pour définir la bonne politique. Ici, à l’inverse, François Baroin vient candidement d’avouer, peut-être sans s’en rendre compte, un rapport de propriété (de prédation ?) de son parti à l’égard de la République. Ce qui constitue une occurrence très rare – en dehors d’un tribunal – de reconnaissance d’un système UMP, ou comme on disait auparavant d’un Etat RPR.

 

François Baroin aurait donc tout intérêt, comme on commence déjà à le lui conseiller dans son propre camp, à présenter ses excuses et effacer cet étrange aveu.

 

Romain Pigenel

 

Retrouvez (sans effraction) les autres mots de la politique ici.

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15 Comments

  1. Marianne ARNAUD wrote:

    Je suis d’accord avec vous, la conduite de Baroin à l’Assemblée a été tout à fait inappropriée.
    Les députés de la gauche le lui ont fait savoir à coups de boulettes de papier, la séance a été levée.
    Je ne pense pas cependant qu’il faille en faire des tonnes sur cet incident, qui après tout peut être assimilé à un pétage de plombs regrettable, sans doute, mais après tout, il n’y a pas mort d’homme.

    Mercredi, novembre 9, 2011 at 12:40 | Permalink
  2. Marion CHEM wrote:

    Je suis également d’accord avec vous.
    Je déplore ce type de paroles, indignes d’un débat politique constructif.
    Et je les déplore qu’elles viennent aussi bien de la gauche que de la droite. L’UMP, le PS et les autres sont aussi doués les uns que les autres pour renvoyer les camps adverses à une somme de clichés et pour se refuser à reconnaître que ceux d’un parti adverse peuvent avoir de bonnes idées et prendre de bonnes mesures.
    J’en ai assez que les politiques (et les militants) confondent débat de fond et attaques gratuites et systématiques.

    Mercredi, novembre 9, 2011 at 13:23 | Permalink
  3. elia wrote:

    “il n’y a pas mort d’homme” comme commentaire c’est commode. Comme il y a assez rarement mort d’homme dans le débat politique, on pourrait peut-être arrêter tout de suite de discuter ?

    Mercredi, novembre 9, 2011 at 13:26 | Permalink
  4. Jardidi wrote:

    Et tu ne crois pas que les Français auront peur de cette droite là et donneront le pouvoir aux monstrueux girondins, aujourd’hui le PS, que nous aurions du exterminer au moment de la révolution française?

    Mercredi, novembre 9, 2011 at 13:26 | Permalink
  5. Jardidi wrote:

    PS (hahaha): tutoiement nordiste, non méprisant.

    Mercredi, novembre 9, 2011 at 13:27 | Permalink
  6. Loréal Alain wrote:

    Et pendant que le parlement montre l’image déplorable de querelles de cours de récréations du CP, le taux des emprunts italiens à 10 ans est, ce matin, à plus de 7%, soit totalement insupportable pour le terrain de jeux de Berlus-bunga-bunga-coni..
    Nous allons donc assister, en direct-live, à l’éclatement de la zone euro ce qui sera certainement beaucoup plus drôle qu’une querelle d’edile qui n’entendent pas diminuer leurs rémunération au nom de l’intérêt général….

    Mercredi, novembre 9, 2011 at 14:27 | Permalink
  7. Marianne ARNAUD wrote:

    Je pense que la surenchère de ces derniers jours concernant les demandes de réduction de salaire des ministres et élus, est assez démagogique.
    La vraie réforme dont le pays a besoin qui irait dans le sens de l’intérêt général, pour lutter contre les conflits d’intérêt et obtenir un renouveau de la classe politique, serait une loi sur le cumul des mandats concernant tous les élus, quels qu’ils soient, calquée sur celle à laquelle est déjà soumis le Président de la République

    Mercredi, novembre 9, 2011 at 15:03 | Permalink
  8. Jean-Paul Dayan wrote:

    2 fois “par effraction” mais aussi 4 fois “c’est sur un coin de table …” . L’accusation de vol se double d’une accusation d’amateurisme. Il faudra bien un jour enfoncer ce coin !
    Et M. Baroin n’est-il pas devenu Minsistre par effraction en arrachant sa nomination contre Bruno Le Maire sur un coin de table ?

    Mercredi, novembre 9, 2011 at 15:07 | Permalink
  9. lg wrote:

    Franchement!! Le petit Baroin fait le beau devant l’assemblée et on nous sort une réaction puérile comme ça?! Les députés de Gauche, n’ont rien d’autre à faire pour la France que de se lever et hurler parce que Baroin leur parle de son fantasme de 97!

    Et il faut voter pour ces guignols aux prochaines législatives.. ça donne pas envie.

    Mercredi, novembre 9, 2011 at 15:56 | Permalink
  10. Diagnostic lumineux !

    Mercredi, novembre 9, 2011 at 19:43 | Permalink
  11. b.mode wrote:

    Se servir ! Oh que oui… J’avais publié en son temps un article intitulé s’agiter avant de se servir… Vous voyez de qui je cause ? ;-)

    Jeudi, novembre 10, 2011 at 13:40 | Permalink
  12. emmanuel wrote:

    Bah, on ne peut reprocher à monsieur Baroin d’extrapoler ce que porte en elle notre jolie langue: le pouvoir est bien mieux dans les mains de celui qui est droit, ou celui qui est adroit, plutôt que celui qui est gauche (“sinistra” en italien…). Du reste, “to be right” vaut mieux que “to be left”. Et pour réaliser une construction de qualité, n’oublions pas qu’on prend bien soin, avant toute chose, de “degauchir” le bois pour le rendre…droit !

    Jeudi, novembre 10, 2011 at 18:58 | Permalink
  13. C’est justement parce qu’il a moins une image de cogneur classique qu’il a répondu en lieu et place de Pécresse, souvent très agressive.

    Dimanche, novembre 13, 2011 at 16:21 | Permalink
  14. Belle analyse.

    Lundi, novembre 14, 2011 at 14:20 | Permalink
  15. @Marianne :

    “Je ne pense pas cependant qu’il faille en faire des tonnes sur cet incident, qui après tout peut être assimilé à un pétage de plombs regrettable”

    Je ne crois pas au pétage de plombs involontaire.

    @Marion Chem :

    “J’en ai assez que les politiques (et les militants) confondent débat de fond et attaques gratuites et systématiques.”

    Oui, mais on peut reconnaître que l’actuel président favorise ce climat.

    @JP Dayan : c’est vrai que “l’effraction” a effacé le reste du discours, tout aussi déplacé.

    @LG :

    “Et il faut voter pour ces guignols aux prochaines législatives.. ça donne pas envie.”

    Laissez-leur une chance de se présenter (à tous les sens du terme) sous un meilleur jour :-)

    @Antenne : arrête, on dirait Copé et son “éclairage du chemin” ;-)

    @B.Mode : je crois, oui …

    @Romain B : oui, et ça prouve combien ils sont usés par ce quinquennat fou.

    @Laurent : merci !

    Mardi, novembre 15, 2011 at 0:44 | Permalink

17 Trackbacks/Pingbacks

  1. romainblachier on Mercredi, novembre 9, 2011 at 9:31

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  2. Romain Pigenel on Mercredi, novembre 9, 2011 at 10:03

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  3. Romain Pigenel on Mercredi, novembre 9, 2011 at 13:02

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  4. [...] concept politique de cette semaine ‘’par effraction‘’ lancé par François Baroin m’a fait penser à la plus belle effraction de l’histoire [...]

  5. Juan on Jeudi, novembre 10, 2011 at 8:40

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  8. Valérie de Saint-Do on Jeudi, novembre 10, 2011 at 11:40

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  9. Laure BARGUILLET on Jeudi, novembre 10, 2011 at 11:49

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  11. Destinée républicaine d’un fils à papa | Le Blog de Gabale on Vendredi, novembre 11, 2011 at 13:26

    [...] Cette semaine, François Baroin, ministre de l’économie et des finances, a défrayé la chronique en accusant les socialistes d’être arrivés au pouvoir en 1997 « par effraction ». [...]

  12. [...] les insultes, les exagérations verbales régulièrement commises ces derniers temps par les porte-flingue du Président ont pour double fonction de faire diversion et de neutraliser la possibilité même du débat [...]

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    [...] à la radio. Tu sais ce jeune type qui était porte-parole de Chirac, le maire de Troyes, François Baroin ! J’ai cru comprendre qu’il s’occupe maintenant de nos finances mais ça [...]

  15. Les mots de la politique by uston - Pearltrees on Mercredi, janvier 11, 2012 at 7:49

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  17. [...] Sauf à considérer, peut-être, que seule la concentration de tous les pouvoirs entre les mains de la gauche est dangereuse pour la France, parce que la gauche n’aurait pas la légitimité naturelle de la droite pour prétendre à cela, et parce qu’elle ne saurait parvenir aux responsabilités, comme l’a dit le bon Baroin, que « par effraction » ? [...]

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