Ce lundi 22 juin fera date dans la vie politique française. Pas seulement à cause de l’acte de naissance, crypto-bonapartiste, d’un nouveau rite institutionnel, le discours présidentiel devant les parlementaires réduits au silence. On retiendra aussi cette date comme le jour où les socialistes ont brisé les lois de la physique, réussissant le tour de force d’être et de ne pas être à la fois.
La réforme permettant ce nouveau discours annuel, cette espèce de state of the union où le président, selon son entourage, « trace de nouveaux horizons » et évoque les moyens de préparer « la France de l’après-crise » – rien que ça – met les forces politiques d’opposition devant un choix à assumer. Ou bien considérer que cette réforme qui altère un peu plus encore notre démocratie parlementaire est une forfaiture, entérinée avec le soutien de groupes parlementaires de droite aux ordres, et que par conséquent la conscience politique commande de la boycotter, pour la renvoyer à ce qu’elle est. Ou considérer qu’en tant que défenseurs de République et de la loi, les parlementaires socialistes doivent aller à ce congrès, mais en utilisant alors le débat qui suit l’intervention présidentielle pour mener une offensive en règle contre la politique de l’Etat-UMP, profitant de l’attention médiatique consacrée à cet événement. Il y a du pour et du contre ces deux positions, mais elles peuvent toutes deux être défendues et relayées.
On connaît a contrario le (non-)choix opéré par les parlementaires socialistes. Venir écouter le président et se taire ; puis bouder le débat qui suit, « en signe de protestation ». Bel exploit digne du chat de Schrödinger, qui les voit donc à la fois être physiquement présents (quand cela est inutile de l’être) et absents (quand leur présence aurait au contraire eu un sens, et aurait pu se faire entendre). Etre et ne pas être. Cette position est non seulement complètement absurde, mais elle témoigne, qui plus est, d’une mécompréhension grave des mécanismes médiatiques. On ne retient pas le détail, mais l’image globale. En l’occurrence, celle de ces parlementaires muets, représentation de l’impuissance. Permettant à Jean-François Coppé de déclarer, après le discours, que les socialistes l’ont approuvé « puisqu’ils ne l’ont pas sifflé ».
Etre et ne pas être. Cet étrange état n’est en fait pas nouveau. Il caractérise même la vie du parti socialiste depuis plusieurs mois. Songeons à la succession des initiatives de Martine Aubry : contre-plan de relance, Printemps des libertés, pétition contre les heures supplémentaires, journée de mobilisation sur les services publics … Autant de justes intuitions sur le fond, autant, pourtant, d’échecs politiques. La faute à une sorte de déphasage permanent : le PS est là où il aurait dû être il y a quelques jours, là où il devrait être dans quelques jours, mais jamais right time, right place. Et quand arrive une échéance, il devient subitement transparent : Ségolène Royal évanescente durant la campagne des européennes, Martine Aubry absente dans sa présence à Solférino et à la tête du parti, Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn très présents dans leur supposée absence. Rien n’est jamais absolument clair : on pourrait évoquer le cas Jack Lang, ni vraiment fidèle au PS, ni vraiment passé à l’ouverture. Que dire, si on remonte un peu plus loin encore, du congrès à la fois gagné et perdu par chacune des deux candidates au poste de premier secrétaire !
Il est faux de dire que le PS ne fait rien. Il fait – mais non pas quand il faut, et sans être pleinement dans le coup. Cette constante, et les ambigüités relevées ci-dessus, dessinent de fait un changement doctrinal (mais bien éloigné de celui qu’on espérait) : nous sommes entrés dans l’ère de la sociale-ectoplasmie, du socialisme d’ectoplasmes, du socialisme spectral. Même les bulletins de vote s’en ressentent, effectivement présents mais invisibles dans les derniers bureaux de vote. Et il y a jusqu’aux idées qui subissent ce régime, fourmillant dans les cercles proches du PS, de même que chez les militants, mais n’arrivant pas à émerger au niveau de la parole officielle du parti.
On a quelques petites idées sur la façon d’échapper à cette langueur mélancolique qui désoriente militants, sympathisants et électeurs. Renverser la table. Remettre en jeu le mandat de l’actuelle direction, en organisant un vote sur une vraie ligne politique. Frapper un grand coup sonore pour sortir tous ces fantômes, que nous sommes en train de devenir, de l’hypnose dans laquelle nous semblons piégés, comme paralysés par la chute approchant. Beaucoup de dirigeants en sont conscients. Qui assumera le premier cette responsabilité ?
Romain Pigenel
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[rss] Etre et ne pas être (la voie de la sociale-ectoplasmie) http://tinyurl.com/nxbajr
pense que bientôt le cas du PS relèvera de SOS Fantômes http://tinyurl.com/nxbajr
[...] verbaux celui que l’on n’arrive pas à combattre ? Une parole-défouloir qui est ultimement la manifestation de l’impuissance, celle des chiens qui aboient sur le passage de la caravane. Et qui désespèrent chaque jour un [...]
[...] ces considérations. PS et UMP (à travers leurs candidats) ne payent-ils pas cash leur identité évanescente ? Marine Le Pen ne marque-t-elle pas d’abord des points par la simplicité, la cohérence et [...]
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[...] de faire perdre son mandat électif national à son porte-parole, elle a mené le PS au bord du K.O. technique, entre initiatives calamiteuses (le « printemps des libertés ») et polémiques sur son [...]
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