Skip to content

DSK : pendez-le haut et court !

Il n’est pas si courant de voir quelqu’un passer, en quelques mois, du statut de messie politique à celui de monstre de foire honni. C’est précisément ce qui arrive à DSK. Chaque chapitre de ses mésaventures judiciaro-médiatiques lui a ôté une nouvelle phalange de défenseurs, jusqu’à le laisser aujourd’hui, les primaires et le dénouement de l’affaire Banon étant passés par là, épluché jusqu’à l’os. Avec comme symbole de sa situation cette photo dont usent et abusent avec gourmandise les journaux, où on le voit avec une barbe blanche, l’air d’un pauvre hère un peu paumé.

 

A bien des égards, cet opprobre n’est pas beaucoup plus rationnel que le culte qu’on lui vouait il y a peu. Il y a trois choses différentes : les questions judiciaires (accusations de viol, et maintenant de relations inappropriées avec une entreprise), la question de ses mœurs (apparemment libertines), et la question politique (Et s’il s’était présenté comme candidat du PS ? Et pourquoi personne n’a rien dit ? Etc.). Elles n’appellent ni le même type d’interrogations, ni le même type de réponses. Pourtant, elles se trouvent aujourd’hui mêlées – chez ceux qui s’intéressent encore à lui – dans une hargne un peu frénétique qui confine à l’acharnement, et qui semble, à leurs yeux, tout justifier. Comme si, par ses actes, DSK s’était mis de fait dans une zone hors du droit, où tous les principes habituels cessent de fonctionner.

L’ancien directeur du FMI est dans la position du paria tellement détesté que le premier lâche venu qui, profitant de sa faiblesse, lève la main sur lui, peut encore se prévaloir de la morale pour justifier et valoriser son geste. C’est un peu à cette image que j’ai pensé en découvrant un très instructif éditorial de Serge Raffy dans le NouvelObs, dans la bien nommée rubrique « Coup de sang ».

Qu’est-ce qui fait donc bouillir le sang du bon Serge ? Que « certains de [ses] confrères se parent du manteau de l’éthique » pour refuser de publier les SMS de DSK révélés par Libération, certains relatifs, donc, à ses escapades libertines, et d’autres évoquant des personnalités du Parti socialiste, sans lien avec ces affaires de mœurs . Leur respect de l’intime, si c’est bien cela qui les meut, est ici hors de propos, explique Raffy, car on est dans le registre de « l’action judiciaire ». Qu’il existe justement des juges qui sont en train d’enquêter, et que rien ne soit établi ni jugé, ne semble pas perturber outre mesure l’éditorialiste du NouvelObs ; quant au concept de secret de l’instruction, il ne semble tout simplement pas avoir de traduction dans sa langue. Non, débarrassons-nous de nos pudeurs mal placées : les Français ont le droit de savoir.

Le droit de savoir quoi ? C’est là que le papier atteint des sommets de jésuitisme. « L’opinion est en droit de savoir jusqu’où cet homme, qui a failli devenir Président, était capable d’aller pour satisfaire ses pulsions.». Superbe exemple de raisonnement contrefactuel, ou, pour parler plus trivialement, de « si ma tante en avait, elle serait mon oncle ».

Le fait est que DSK ne risque plus de devenir Président, et qu’il n’a même pas risqué de devenir candidat socialiste, d’ailleurs. Le fait est que le PS a désigné un candidat et que la vie politique de DSK, si elle n’est pas terminée, a pris un sérieux coup d’arrêt. Pourquoi donc aller solliciter une réalité alternative, un futur qui n’aura pas lieu, pour justifier le chapardage et la diffusion de pièces à conviction révélant des pans de la vie d’un homme qui, si ça se trouve, n’auront même pas de qualification judiciaire ? Et pourquoi ne pas plutôt se demander pourquoi ces informations sont fuitées maintenant, alors le PS, justement, a quitté la case DSK, a un candidat, et que Nicolas Sarkozy est politiquement au plus mal, avec une autre affaire hôtelière contre lui ?

« Cette curiosité n’a rien à voir avec le voyeurisme, mais elle touche à l’intérêt national.  ». Mais si, Serge Raffy, cette curiosité a tout à voir avec le voyeurisme malsain qui suinte des affaires DSK depuis leur début en mai dernier. Avec ce puritanisme de prêtre lubrique, qui se déchaîne en chaire contre les turpitudes de la chair, pour mieux pouvoir en parler à loisir et sous toutes les coutures. A la rigueur, je veux bien vous laisser le bénéfice du doute. Peut-être êtes-vous tellement moralement dégouté par DSK que vous perdez toute raison quand vous parlez de lui. Ou alors, comme Libération, comme tous les autres, vous parlez jusqu’à plus soif de ce qui, en fait, vous fascine, et de ce que vous savez être vendeur, avec des ficelles éprouvées par la presse à scandale.

Un peu de courage et d’honnêteté, est-ce trop demander ? Je décerne quant à moi cette double palme à Slate, qui met les deux pieds dans le plat avec un article – sur DSK – intitulé « Comment organiser une partouze? », et qui entre le détail de cet art trop peu connu. Les pure players, toujours un coup d’avance sur la vieille presse.

Romain Pigenel

A lire aussi :

19 Comments

  1. Sophia A wrote:

    Tout cela me fait penser à la fameuse “affaire Julien Dray”, les tabloïds se sont déchainés sur lui mais peu ont titré quant il s’est avéré qu’il était totalement innocent. Il y en a encore pour rappeler ce lynchage alors que la justice a démontré que rien n’était justifié. Aucun n’a pensé au mal que cela pouvait faire à sa famille ou son entourage ni même aux retombées que cela pourrait avoir. Les erreurs du passé ne semblent pas toujours servir.

    Vendredi, novembre 11, 2011 at 18:35 | Permalink
  2. GdeC wrote:

    “cette opprobre n’est pas beaucoup plus rationnelle que le culte qu’on lui vouait il y a peu”

    Effectivement, tout cela est délirant, je partage ton avis… mais je ne peux m’empêcher de me demander ce que peux bien penser l’ancien attaché de Julien Dray, qui a cotoyé et probablement apprécié DSK, de cette situation. A-t-il une analyse suffisamment reculée ?

    Vendredi, novembre 11, 2011 at 18:37 | Permalink
  3. Thierry wrote:

    On dit encore “partouze” ? Je croyais que maintenant on disait “partie fine” !

    Plus sérieusement seule la “question politique” me semble légitime. Si je reconnais le lynchage médiatique, les questions “et s’il avait été élu ?” ou “et s’il avait pris son avion avant d’être arrêté ?” sont intéressantes comme “questions d’école” à se poser ‘préventivement’.
    Car on n’est pas à l’abri d’un cas similaire, un jour ou l’autre.

    Vendredi, novembre 11, 2011 at 18:56 | Permalink
  4. corto74 wrote:

    Maintenant que le bonhomme est à terre, qu il a tout perdu grace à sa “légèreté ” laissons le la où il est c’est a dire au fond du trou. A moins qu’audience , audimat et nombre de visiteurs soient une motivation suffisante pour continuer à l’enfoncer.
    Bientot, a tant le décrier,et l on sait l opinion versatile, on en fera un martyr! Ce qui serait un comble !

    Vendredi, novembre 11, 2011 at 19:08 | Permalink
  5. waloo wrote:

    Opprobre = nom masculin. “La vie est un opprobre, et la mort un devoir.” (Voltaire)

    Vendredi, novembre 11, 2011 at 19:17 | Permalink
  6. “L’ancien directeur du FMI est dans la position du paria tellement détesté que le premier lâche venu qui, profitant de sa faiblesse, lève la main sur lui, peut encore se prévaloir de la morale pour justifier et valoriser son geste.”

    Il y a une scène de ce genre décrite au début de l’hallucinant “La guerre” de Gabriel Chevalier (Paris, 3 août 1914, 2 jours après la mobilisation générale) :

    http://img228.imageshack.us/img228/7853/lapeur01.jpg

    Vendredi, novembre 11, 2011 at 20:30 | Permalink
  7. Marianne ARNAUD wrote:

    “Au parti socialiste, certains doivent se sentir très mal. Ils ne doivent pas être très fiers d’eux ? Ils ont raison.”
    C’est cette fin de l’article de monsieur Raffy où il évoque “ceux qui auraient pu nous conduire dans le précipice”, qui à mon sens, justifie à ses yeux, tout le reste du papier.
    Pour ma part, je préfère la façon de Cantelou de traiter de DSK et de Dodo la Saumure, qui n’en méritent pas plus, mais pas moins, non plus.

    Vendredi, novembre 11, 2011 at 20:49 | Permalink
  8. pegase wrote:

    Marianne, est-ce la charge historique de votre prénom qui vous inspire de la sorte ? Voudrait-on laver plus blanc que la mère Denis ? la vraie vie ce n’est pas Alice au pays des merveilles ou celle des bisounours. Regardez sur votre droite, c’est tout aussi pathétique voire pire puisque qu’il y en a même un qui non content d’avoir usé de la porte de la rue du coq, une fois les responsabilités quittées, a comis un ouvrage scabreux qui mettait en scène une princesse à titre posthume. Et tout le monde en ri encore. C’est promis, si DSK sort un essai sur le libertinage international, je m’arrange pour vous en faire parvenir un exemplaire dédicacé. À moins que Sylvio ne le devance … Dance cas je ne pourrai rien pour vous par manque d’entrée.

    Vendredi, novembre 11, 2011 at 21:31 | Permalink
  9. MHPA wrote:

    Oui, comment organiser une partouze, alors, finalement ?

    Vendredi, novembre 11, 2011 at 22:51 | Permalink
  10. Max wrote:

    Je ne comprends pas grand chose finalement sur la trame de cet article, si ce n’est la demande de respect de la dignité de cet homme quoiqu’il eut fait.
    Bien que sujet intéressant qui soulève plein de questions, peu de fond, un peu décevant, à la semaine prochaine…

    Samedi, novembre 12, 2011 at 0:01 | Permalink
  11. Marianne ARNAUD wrote:

    @ Pégase
    Je ne sais pas si je le dois à la “charge historique” de mon prénom, mais il se trouve que je n’ai aucun goût pour les vieux cochons.

    Samedi, novembre 12, 2011 at 12:14 | Permalink
  12. Sophia A wrote:

    @Marianne

    Croyez vous que les enfants naissent dans les choux ? Bien souvent c’est ceux qui en parlent le plus qui le sont…

    Samedi, novembre 12, 2011 at 12:18 | Permalink
  13. je vais me précipiter sur le papier de Slate.

    Samedi, novembre 12, 2011 at 13:50 | Permalink
  14. Zap Pow wrote:

    Un petit détail : le secret de l’instruction n’est en aucune manière imposé ni imposable aux journalistes. Le secret de l’instruction ne concerne que les magistrats et enquêteurs. Et, ce qui peut surprendre, les avocats ne sont pas tenus au secret de l’instruction. En revanche, ils ont intérêt à faire très attention, et à bien suivre les règles régissant la profession, définies par décret : ils ont accès au dossier, mais sont poursuivis s’ils utilisent les informations pour entraver la manifestation de la vérité ou camoufler d’autres crimes et délits, ce qui, généralement, revient pour eux à respecter le secret de l’instruction.

    Samedi, novembre 12, 2011 at 14:31 | Permalink
  15. Marianne ARNAUD wrote:

    @ Sophia
    En voilà un commentaire qu’il est intéressant !
    Plus sérieusement, de vous à moi, je pense que Romain a eu tort d’écrire ce billet où il défend DSK contre vents et marées, alors que tout le monde a encore en tête qu’il n’a été “blanchi” ni en Amérique dans le procès Diallo, ni en France dans le procès Banon.
    De plus tout le monde se souvient aussi que Hollande était au courant des moeurs de DSK, puisqu’il avait reçu, en leur temps, les confidences de Banon et qu’il avait même conseillé à celle-ci de déposer plainte.

    Samedi, novembre 12, 2011 at 16:13 | Permalink
  16. Sophia A wrote:

    @Marianne, Blanchi dans ces affaires, non ; il a sa version tout comme les présumées victimes ont la leur. C’est à la justice de faire son travail sans interférence des médias ou de personnes plus ou moins bien intentionnées. Hollande aurait conseillé à Tristane de porter plainte et celle qui l’en dissuade c’est Anne Mansouret. Ce fut une erreur de la part d’une mère et d’une femme qui n’a pensé qu’à sa carrière plutôt que d’écouter son enfant qui avait besoin d’attention et d’affection qu’elle ne lui a jamais donné. Le combat contre les violences, ce n’est pas seulement contre les présumés agresseurs c’est aussi contre la lâcheté des témoins ou de ceux qui tirent profit de la cause. Faire de l’argent ou sa promo sur le dos des victimes, qui se battent au quotidien sans grands moyens ni aides véritables, c’est aussi un crime.

    Samedi, novembre 12, 2011 at 16:46 | Permalink
  17. Marianne ARNAUD wrote:

    @ Sophia
    Là nous sommes parfaitement d’accord !
    Très cordialement.

    Samedi, novembre 12, 2011 at 16:59 | Permalink
  18. MAJiCWoofy wrote:

    Et DSK qui traitait l’Express de “Tabloïd”… que doit-il penser de Libé et du Nouvel Obs !

    Samedi, novembre 12, 2011 at 17:00 | Permalink
  19. @Sophia : “calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose”

    @GdeC :

    “mais je ne peux m’empêcher de me demander ce que peux bien penser l’ancien attaché de Julien Dray, qui a cotoyé et probablement apprécié DSK, de cette situation. A-t-il une analyse suffisamment reculée ?”

    Très simplement : je n’ai jamais approché de près ou de loin cet homme, et je n’ai jamais non plus été dans son “camp” au PS. En revanche, oui, j’ai vu de près comment fonctionne l’acharnement médiatique.

    @Thierry D :

    “…sont intéressantes comme “questions d’école” à se poser ‘préventivement’.”

    Oui mais en quoi ce genre d’article ou de “révélation” permet-il la moindre prévention sur ce sujet, forcément imprévisible ?

    @corto :

    “A moins qu’audience , audimat et nombre de visiteurs soient une motivation suffisante pour continuer à l’enfoncer.”

    A moins, oui…

    @waloo : merci, corrigé ;-)

    @Antenne : superbe et tellement vrai ce “on ne s’avise pas de résister à l’opinion publique” … je pensais aussi, toutes proportions gardées, aux femmes tondues. Toutes proportions gardées.

    @Marianne :

    “Pour ma part, je préfère la façon de Cantelou de traiter de DSK et de Dodo la Saumure, qui n’en méritent pas plus, mais pas moins, non plus.”

    et pas plus.

    @Pegase : et Silvio va avoir du temps maintenant.

    @MHPA : tu veux le numéro de Silvio ?

    @Romain B : alors alors ?

    @Zap Pow : la question est celle de la fuite judiciaire, d’une part, et d’autre part du bien-fondé de son utilisation par Libé, pour ne rien révéler si ce n’est du scabreux.

    @Marianne (bis) :

    “Plus sérieusement, de vous à moi, je pense que Romain a eu tort d’écrire ce billet où il défend DSK contre vents et marées”

    Je défends des principes, pas un homme, et je déteste l’hypocrisie.

    @Majicwoofy : oui ! Le vrai tabloïd, aujourd’hui, c’est Libé.

    Dimanche, novembre 13, 2011 at 10:52 | Permalink

11 Trackbacks/Pingbacks

  1. Romain Pigenel on Vendredi, novembre 11, 2011 at 16:33

    [Variae] DSK : pendez-le haut et court ! http://t.co/1ZcoatuC

  2. zeyes on Vendredi, novembre 11, 2011 at 17:01

    # DSK "A bien des égards, cette opprobre n’est pas beaucoup plus rationnelle que le culte qu’on lui vouait il y a peu" http://t.co/hLw0uQNQ

  3. Montreal Design Buzz on Vendredi, novembre 11, 2011 at 18:31

    TR @Ouimarketing: DSK : pendez-le haut et court ! http://t.co/anp6YYXh via @Romain_Pigenel http://t.co/lv9ZS6CC

  4. joelle on Vendredi, novembre 11, 2011 at 21:05

    DSK : pendez-le haut et court ! http://t.co/u8cBE9gn via @Romain_Pigenel

  5. [...] DSK : pendez-le haut et court ! [...]

  6. Romain Pigenel on Samedi, novembre 12, 2011 at 11:44

    #DSK : pendez-le haut et court ! #variae http://t.co/1QLq94hu

  7. G. Alain bembelly on Samedi, novembre 12, 2011 at 11:59

    DSK : pendez-le haut et court ! http://t.co/JcldYhxJ via @Romain_Pigenel

  8. Jean-Renaud ROY on Samedi, novembre 12, 2011 at 12:25

    Les bonnes questions RT @Romain_Pigenel: #DSK : pendez-le haut et court ! #variae http://t.co/0gzQJZL1

  9. Antoine Bayet on Samedi, novembre 12, 2011 at 12:27

    "Un pauvre hère un peu paumé" : belle légende photo http://t.co/vcgYSmmq (@romain_pigenel, via @jr_roy)

  10. Zgur_ on Samedi, novembre 12, 2011 at 18:30

    @antennerelais #DSK : pendez-le haut et court ! http://t.co/QXBhYgOX… via @Romain_Pigenel >> OUAIS ! PAR LES COUILLES ! QU'ON EN FINISSE !

  11. Variae › Ce qui cloche chez Claude Guéant on Dimanche, décembre 4, 2011 at 20:49

    [...] site du JDD, la synthèse en ligne que tout le monde lira. En parler pour dénoncer la manœuvre, l’acharnement sur un homme à terre et qui n’est plus dans le jeu politique, l’acharnement à pourrir la campagne, à salir [...]

Post a Comment

Your email is never published nor shared. Required fields are marked *
*
*