Mes chers camarades, chers amis,
Je me souviens encore du moment où je pris pour la première fois ma carte au Parti socialiste. C’était un jour de mai 81
Après avoir fait toute la campagne de François Mitterrand.
J’ai commencé comme trublion, poil à gratter de l’aile gauche, mauvaise conscience de mes camarades au gouvernement.
J’étais entré au PS par envie, par raison, par défi ; je l’accompagnais de mes critiques, de mes déceptions, de mes désaccords.
Ce parti, j’ai essayé par tous les moyens d’en faire le meilleur parti.
J’ai essayé de le rendre meilleur par le mouvement social, en étant partie prenante de tous les combats de la jeunesse dans les années 80, aux côtés de François Mitterrand.
J’ai essayé l’efficacité par la minorité, en me consacrant à la réflexion idéologique et à la formation militante – avec succès, quand je regarde la composition des motions de ce congrès !
J’ai essayé de le dynamiser par la majorité. C’est ainsi que j’ai accepté d’en rejoindre la direction en 2003, sentant qu’il y avait péril pour mon parti, et jugeant que c’était la meilleure façon de l’aider.
Mes choix n’ont pas toujours été compris. Et je l’admets, je me suis parfois trompé. Mais tout au long de mon parcours je n’ai eu qu’un seul but : faire de ce parti que j’aime le meilleur parti qui soit.
Ma vie personnelle a toujours été intimement liée à mon parcours de militant. Ce parti, je n’ai pas peur de le dire, c’est toute ma vie.
Je sais que dans cette salle, vous êtes nombreuses et nombreux à penser la même chose pour vous
Même si vous ne le dites pas, par pudeur, ou par évidence.
C’est la somme de tous ces parcours individuels qui fait l’histoire de notre parti. C’est leur diversité qui fait sa force. C’est leur intensité qui nous rassemble, aujourd’hui.
Ne l’oublions jamais : quand nous parlons du Parti socialiste, nous parlons d’abord de l’engagement et du choix de vie de toutes ses militantes et de tous ses militants.
Nous parlons des dizaines de milliers de femmes et d’hommes, de jeunes et de moins jeunes, qui passent des soirées à débattre, des week-end à rédiger des tracts, des nuits à coller des affiches. Parce que pour eux, c’est la plus juste façon de donner un sens à leur vie.
Et en ce jour où nous sommes rassemblés pour décider de notre ligne politique, c’est à la hauteur de toutes ces histoires personnelles, c’est à la hauteur de cette longue chaîne de dévouements, de sacrifices, que nous devons nous porter.
Le voilà, le défi de notre génération. C’est un défi car nous sentons bien aujourd’hui que cette grande force du socialisme, que nous a léguée François Mitterrand, cette capacité à fondre les parcours, les idées, les valeurs, les différences en une même histoire, en un même alliage commun est menacée.
Elle est menacée par ces années sans victoire nationale.
Elle est menacée par ces défaites qui ont semé chez nous les fermants de la confusion, de la déception et de la rancoeur. Elle est menacée par tous ceux qui travaillent à nous diviser, au moment même où je vous parle.
Alors face à tous ces périls, disons le ensemble.
Il n’y a pas une aile droite et une aile gauche au parti socialiste.
Il n’y a pas des radicaux, à qui on montre la porte, et des modérés, avec pour seul horizon la compromission.
Il ne doit pas y avoir, dans notre parti, des abonnés à la majorité et des perpétuels minoritaires.
Il ne doit plus y avoir, dans notre parti, de militants qui se définissent d’abord comme aubrystes, ségolénistes, fabiusiens, délanoëistes, hamonistes, faute de sentir une autre solidarité possible.
Il ne s’agit pas de nier les différences, mais de voir comment, ensemble, nous pouvons les surmonter.
Au bout de ce congrès, nous devons faire front tous ensemble au sein de la gauche, devant les Français et face à la droite, et dire d’une seule voix, forte de toutes nos voix : nous sommes les
socialistes, nous sommes unis, et nous sommes de retour dans la bataille pour un monde nouveau.
Il n’y a qu’un seul parti socialiste, il n’y a qu’une seule gauche.
L’unité, c’est la clé de voûte du nouveau parti socialiste que nous allons bâtir.
Mais il faudra de la détermination, de l’envie, et de la responsabilité pour y parvenir. Il faudra que nous apprenions à modérer nos egos, quand cela sera nécessaire. Parce que nos problèmes ne seront pas réglés par la seule « magie du congrès ».
Nous devons nous poser une seule question. Pour un électeur de gauche, pour un jeune, pour une femme salariée, le Parti socialiste porte-t-il encore, en 2008, un espoir, une promesse ? Est-il encore capable de changer leur vie ?
Est-il encore capable de mettre la répartition des richesses au cœur de son projet politique ? Est-il capable de faire en sorte qu’il n’y ait plus besoin d’un « pôle écologique » pour le rappeler à la raison écologique ?
Nous avons été obligés de défendre dos au mur, depuis la chute du Mur de Berlin, les acquis sociaux qui avaient été obtenus, au point parfois d’apparaître comme conservateurs.
Aujourd’hui je le dis : le Parti socialiste peut, le parti socialiste doit devenir le parti d’un nouvel idéal.
Mais l’idée s’est faite, insidieuse, dévorante, que les socialistes n’avaient plus très envie des Français. L’idée s’est faite que les socialistes doutaient parfois de leur propre volonté de changer le monde.
Cette idée progresse à chaque fois que nous nous disputons pour des questions de préséance, de présidence, alors que la seule question qui compte, c’est celle de notre projet pour la gauche et pour la France.
Cette idée s’enracine quand, après avoir investi les quartiers, les entreprises, les mouvements sociaux pendant les élections, nous les désertons ensuite, abandonnant à elles-mêmes toutes ces formidables énergies.
Cette idée acquiert la force d’une évidence quand celles et ceux qui nous rejoignent, lors de la désignation de notre candidate à l’élection présidentielle, ne sont pas toujours accueillis avec la chaleur et la camaraderie qu’ils méritent.
Cette idée, elle est exprimée avec rage par les militants quand, perdus au milieu des conflits incompréhensibles et injustifiables de personnes, de courant, de sous-courant, ils ne savent plus quoi répondre à tous les Français qui nous interpellent : « mais que faites-vous, vous les socialistes, pour être utiles ? Vous ne pouvez pas vous arrêter de vous disputer ? ».
Voilà la seule question que nous devrions avoir à l’esprit, à chaque fois que nous prenons une décision. Comment être utile aux Français ? Comment répondre à leur envie de changement social ?
Mes chers camarades, nous n’avons pas à chercher bien loin pour trouver la réponse. Il nous suffit d’écouter ce que disent les militantes et les militants.
Ils disent haut et fort :
Nous ne voulons plus que l’adhésion au parti socialiste soit un chemin de croix ou un parcours du combattant. Nous ne voulons plus d’un parti réservé à ceux qui en maîtrisent les règles cachées.
Ce que nous voulons, nous le savons : un parti de masse, ouvert, pluriel, métissé, à l’image de la France sous toutes ses facettes. Un parti dont chacun puisse dire : ce pourrait être le mien. Un parti où l’on se forme, où l’on s’informe ; un parti de progrès où l’on progresse personnellement.
Nous ne voulons plus être absents des luttes sociales, des manifestations, de tous les terrains où se bat la gauche.
Nous ne voulons plus que les quelques militants courageux qui se risquent dans les cortèges et les défilés subissent les critiques et les reproches des travailleurs et des syndicalistes – « mais ils sont où, les socialistes ? ».
Ce que nous voulons, nous le savons : c’est qu’à l’appel du Parti socialiste, des millions de militants, de sympathisants, avec leur famille, leurs amis, descendent dans la rue pour défendre leurs convictions, quand c’est nécessaire.
Nous ne voulons plus être les témoins impuissants du matraquage idéologique de la droite et des pouvoirs économiques.
Ce que nous voulons, nous le savons : un parti qui pense, qui travaille collectivement, qui produit des idées et une vision du monde, depuis sa base jusqu’à son sommet.
Nous voulons un intellectuel collectif qui arme tous les militants pour la bataille politique et culturelle, qui nous permette à toutes et à tous, de rendre coup pour coup à nos adversaires.
Nous ne voulons plus rejouer sans cesse la déchirure du congrès de Tours, entre réformistes et soi-disant révolutionnaires.
Nous ne voulons plus compter les gauches – première gauche, deuxième gauche, troisième gauche … – comme les moutons avant de dormir.
Parce que fondamentalement, ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise.
Parce que oui, c’est vrai, pour nous aussi, nos vies valent plus que leurs profits.
Parce ce que oui, aussi, un pas en avant vaut mieux que mille ruptures promises.
Nous ne voulons plus d’un parti qui est capable de gagner une élection, mais n’est pas capable de gagner l’élection suivante, grâce à l’adhésion que sa pratique du pouvoir aurait suscité.
Ce que nous voulons, nous le savons : rester arrimés avec constance à ce qui a toujours été la raison d’être et l’utilité du Parti socialiste. Rester arrimés au réformisme, évidemment, mais au service de la lutte pour une juste répartition des richesses, au service de la bataille pour la justice sociale et son premier déterminant : la question salariale.
Il y a dans notre société un formidable réservoir d’énergies, d’engagement, de force militante, qui cherche un cadre pour s’exprimer.
Nous avons commencé à capter cette force lors de la dernière élection présidentielle avec Ségolène Royal.
Malgré la défaite, un enthousiasme nouveau et un espoir se sont levés.
Notre devoir de socialiste est de continuer à lutter pour que cet élan ne retombe pas. Les énergies existent. Nous devons en être le catalyseur.
La gigantesque crise qui frappe le monde nous appelle à être aux côtés des nôtres, car ce sont eux qui vont d’abord en souffrir.
Elle nous appelle à les aider, à les soutenir, à les protéger.
Elle nous appelle à leur donner une grille de lecture de changement de cours de l’histoire, à leur expliquer pourquoi, et comment, cette mondialisation est devenue folle.
Elle nous appelle à reprendre l’offensive, à être surs de nos valeurs.
Car preuve est faite que l’actuel modèle de production et de développement, qui rend les riches toujours plus riches et les pauvres toujours plus nombreux, n’a rien d’inéluctable.
Oui, nous pouvons renverser la table et changer la règle du jeu. Mais cela ne pourra se faire sans un puissant levier. Ce levier, nous le connaissons : c’est notre parti socialiste.
Maintenant, il nous faut choisir.
Nous pouvons continuer à nous battre, à nous diviser, pour le plus grand bonheur de nos adversaires.
Nous pouvons continuer à sourire quand un camarade nous quitte.
Nous pouvons continuer à nous réjouir quand celui que nous considérons comme un concurrent est battu – « un candidat de moins pour l’investiture à venir ! ».
Oui, nous pouvons dire aussi que le moment est venu de nous unir. Nous pouvons aussi dire que le temps des militants est venu.
Nous pouvons dire qu’il est venu, enfin, le temps de construire ce grand parti populaire de masse.
Alors faisons-le, tous ensemble !
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