C’est l’histoire d’une machine exemplaire, citée comme un modèle de réussite politique lors de la dernière élection présidentielle, qui subit un long et apparemment inexorable démembrement, jusqu’au non-sens. Que n’avait-on pas entendu – à raison – sur les mérites de l’UMP, parti unique présidentiel, capable à la fois de rassembler largement un camp politique et de servir de bras armé plus qu’efficace au candidat puis président Sarkozy ! C’était l’époque de la mise au pas par le maire de Neuilly, de sa cérémonie d’investiture grandiose, des conventions du projet sous l’égide de la redoutée Emmanuelle Mignon. Aujourd’hui, le parti, aux mains d’un ex-opposant du locataire de l’Elysée, organise une convention … sur le projet du Parti socialiste. Parfaite métaphore du chemin parcouru – en descendant – depuis 4 ans.
A quoi tenait la force de Nicolas Sarkozy lors de la dernière élection ? Premièrement, à sa capacité à imposer son « agenda » politique et ses concepts-slogans (le travailler plus pour gagner plus en premier lieu), forçant commentateurs et adversaires politiques à faire la course derrière lui et à se positionner en réaction. Deuxièmement, au tour de force réalisé en unifiant derrière sa bannière toutes les droites, du centre à la droite dure. Ce double siphonage – partidaire sur sa « gauche », avec le dépeçage de l’ex-UDF entre MoDem et Nouveau Centre, et idéologique sur sa droite, avec le captation d’une partie des voix FN – reposait sur un alliage programmatique complexe, citant les grands anciens du socialisme et parlant en même temps « d’immigration et d’identité nationale ». Cette posture d’équilibriste, sorte de synthèse jaurésienne à la sauce UMP, n’aura pas tenu le choc de l’exercice du pouvoir. La non-réalisation de la promesse économique et sociale d’une part, la dérive sur des thématiques de plus en plus droitières (identité nationale, hystérie sécuritaire sans mesures concrètes, Roms …) d’autre part ont progressivement écartelé puis disloqué l’impossible consensus. Implacable mécanique qui, partant de la placardisation précoce des ministres d’ouverture, débouche aujourd’hui sur la reconstitution de mouvements idéologiquement distincts à droite, « Droite populaire » contre « Droite humaniste ».
Ce morcellement du camp sarkozyste rend beaucoup plus délicate l’élaboration d’un projet présidentiel, déjà rendue périlleuse par le bilan très négatif du sortant. Jean-François Copé et ses troupes se retrouvent donc les bras ballants, et réduits, pour ne pas disparaître des écrans radars, à se transformer en commentateurs caricaturaux et un brin obsessionnels des idées socialistes. Car de leur côté, les primaires citoyennes ont mis un certain nombre de propositions et de concepts forts sur la table, de la démondialisation montebourgeoise au contrat de générations de François Hollande. S’il serait sans doute exagéré de dire que la primaire a construit une victoire culturelle et idéologique de la gauche, elle a au minimum contribué à façonner le débat autour des positions des candidats. Ce qui est déjà beaucoup, quand on se rappelle de quelle période omniprésidentielle on sort.
Ce contexte explique l’étrange convention organisée ce jour. Mais il ne la justifie pas. Car c’est à un interminable et ubuesque spectacle que nous avons assisté, le ban et l’arrière-ban des élus (et apparatchiks plus obscurs de l’UMP) se succédant à la tribune pour exp(l)oser une à une les propositions socialistes, avec le nom du parti honni en grosses lettres dans leur dos. Exercice aussi improbable que fastidieux, mélange baroque entre talk show et émission caritative avec « compteur des dons » en arrière-plan, qui a déchaîné les quolibets des internautes au point de faire monter le hashtag moqueur #UMPanique au premier rang des tendances françaises sur le réseau. Mais par-delà la bizarrerie de la mise en scène, le procédé en lui-même constitue une grossière erreur tactique. Il met la droite, sans bilan ni projet, en position de (mauvais) parti d’opposition. Il remet aussi une pièce dans le jukebox : en attaquant le PS et son candidat sur leur projet, il va appeler en retour des demandes de réactions de socialistes par les médias, et donc un nouveau tour de piste médiatique pour la gauche et ses idées. Le piège des primaires se referme une fois de plus sur la majorité présidentielle.
Maintenant, que faire ? Organiser des grands débats ? On se souvient sans doute, à droite, du calvaire de celui sur l’identité nationale. Lancer des mots d’ordre qui font mouche ? Il faudra trouver un peu mieux que le « éclairer le chemin » quasi-mystique tenté ce soir par Copé. Multiplier les boules puantes ? L’UMP collectionne les affaires comme autant de boulets. La route de la présidentielle est encore longue, mais elle démarre sous de bien sombres nuages pour l’UMP.
Romain Pigenel
10 Comments
j’aime bien la distinction entre “droite populaire” et “droite humaniste”. C’est l’aveu (ou la conviction) que le peuple n’est pas humaniste !
L’UMP sans projet ??, tu n as pas du lire mon avant dernier billet
Ca ne m’étonne qu à moitié. Tiens, un petit lien, c’est cadeau:
http://corto74.blogspot.com/2011/10/lump-na-pas-de-projet-rien-danormal.html
Bne soirée
Corto, si le projet de l’UMP existe vraiment, et s’il est plein d’idées nouvelles, pourquoi Copé et toute la bande de baltringues qui dirige le parti passent tant de temps d’antenne à dégommer les dirigeants du PS jugés menaçants et à caricaturer leurs idées ? Traiter Montebourg à la fois de crypto lepéniste et de bolchevik, ce n’est pas normal. C’est la preuve que ces pauvres types sont en panique et qu’ils font tout et surtout n’importe quoi pour faire oublier le bilan calamiteux de Toupty (qui est aussi le leur, car ils l’ont soutenu)…
“Le PS, je m’en bats allègrement les steaks, ainsi que de ce qu’ils peuvent bien raconter dans cette officine de baltringues et de faux jetons.”
Je dois être un mauvais camarade mais, moi, j’écoute aussi mes amis de gauche [de gauche, pas d'extrême-gauche, non de gauche] qui détestent le PS pour quelques solides raisons dont il me semble normal de débattre.
http://blog.monolecte.fr/post/2011/10/18/La-machine-a-perdre
“Jean-François Copé et ses troupes se retrouvent donc les bras ballants, et réduits pour ne pas disparaître des écrans radar à se transformer en commentateurs caricaturaux et un brin obsessionnels des idées socialistes.”
On peut voir les choses ainsi, effectivement. On peut aussi constater que cette “convention” sera contre-productive, parce que mal pensée et mal réalisée, c’est un fait.
Mais de là à pronostiquer le naufrage de l’UMP, c’est peut-être aller un peu vite en besogne, quand on a vu que le PS n’avait pas “fait naufrage” alors que sa première secrétaire avait été élue grâce à une triche avérée, au su et au vu de la France entière, qui n’a même pas l’air de lui en tenir tellement rigueur.
Ah, une dernière petite chose ! Hollande lui-même a déclaré avoir besoin d’une “diète médiatique”, c’est dire si la sur-exposition des primaires peut être, à certains égards, gênante.
Et j’ajouterai que son “réenchanter le rêve français” n’a pas grand chose à envier au “éclairer le chemin” de Copé.
Heil! Voici quinze ans, “Contrat de génération” et “Montebourg” s’appelaient “Empois jeunes” et “Chevènement”. La seule chose qui a changé au PS est que sa politique devient de plus en plus visiblement déconnectée de la réalité. L’Europe n’est pas vraiment glop glop, par exemple, le respect de la différence devient rance.
La campagne est mal engagée pour tous les partis européistes, ils devraient se partager un électorat qui fond comme le conformisme du PS au contact de la réalité. J’en suis réduit à voter pour Marine Le Pen, hallucinant!
Il faudrait pas enterrer trop vite l’UMP. Certe cette convention baclée, mal préparée, chiante au possible y compris pour les encartés estampillés UMP n’est rien d’autre qu’un flop et ne fera pas oublier de sitôt la “réussite” et l’excellente préparation des primaires PS, réussies en dépit d’innombrables batons (lieux, bureaux perdus en rase campagne)mis dans les roues par les maires et opposants au projet. Cependant les ressources de mauvaise foi et de fielleuse analyse de la bande à Sarko sont considérables. En face le projet PS est faible, ne répond pas à l’urgence de la crise, n’offre pas de solutions radicales et, sauf à le faire évoluer fortement au cours de la campagne, le consensus mou pour faire plaisir à tous les ralliés de la dernière heure produira un goubi-boulga sans ligne directrice et sans vision forte de l’avenir. Il sera donc facilement démontable par ceux qui n’ont certe pas fait mieux mais qui auront beau jeu de démontere qu’avec les solutions proposées on continue d’avancer dans le mur à grande vitesse. La seule chance de FH serait que la crise financière, en particulier, atteigne son acmée d’ici avril 2012 ce qui lui donnerait un argument fort pour les renvoyer à leur cheres études. Puis comme il n’a rien fait de transcendant depuis 20 ans, il ne traine pas de casseroles (contrairement à Miss 35h)et il devient délicat de l’attaquer sur un passé vierge de toute réalisation…
@ Loréal Alain
Je suis tout à fait d’accord avec votre analyse. Et je pense même qu’il se pourrait que, la crise aidant, Hollande soit élu. Peut-être même après un deuxième tour contre Marine Le Pen.
Une seule question reste posée : et après, il se passe quoi ?
A Marianne Arnaud.
Pour le PS, l’Europe est un but en soi. Peu importe ce qu’elle est. Je dirai même que si elle est sombre, sinistre, monstrueuse, à l’allemande pour tout dire, cela correspond assez au tempérament du système familial de type souche, porté par beaucoup de régions qui votent PS. Les fanatiques pro-européens sont souvent les descendants de ceux qui se sont battus contre la révolution française.
C’est une lutte à mort.
Je suis d’accord avec ta fin, le problème pour les malades mentaux du PS n’est pas d’arriver au pouvoir mais de gouverner. Cinq ans d’austérité à la grecque devraient détruire ton parti. Tu es un latin, tu n’as pas d’excuses à cet aveuglement monstrueux. Avec le PS, la pauvreté va sans arrêt augmenter et nous finirons par avoir Le Pen au pouvoir.
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[...] l’UMP ne sera plus, quand l’heure de « l’inventaire » à droite aura sonné, quand Copé y consacrera un show télévisé, ce serait, ce sera elle : [...]
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