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Contre-plan de relance socialiste : le matériel militant au banc d’essai

Le contre-plan de relance économique proposé par le PS, dont j’ai par ailleurs questionné la pertinence, est accompagné d’un matériel devant permettre aux adhérents de diffuser ses propositions pour sortir de la crise. Cette campagne de communication, initiée à la Mutualité dimanche dernier avec la remise aux secrétaires de section d’une clé USB et le lancement d’un site dédié, est-elle en mesure d’atteindre ses objectifs ? La barre est mise haut en 4ème de couverture de l’Hebdo des socialistes : « Communication de crise. Face à la crise, pas de demi-mesure, en politique comme en communication ! Le parti socialiste se met en quatre pour offrir à ses militants tout le matériel nécessaire pour faire connaître notre contre-plan de relance. Tracts, affiches, diaporama animé, notes de synthèse … retrouvez dans vos sections et fédérations tout ce dont vous aurez besoin pour mener une campagne intensive et créative ».

Le graphisme : back to the 80’s

Après la révolution chromatique de la campagne de Ségolène Royal (l’invasion du violet et du bleu), après la contre-réforme austère de la fin du mandat de François Hollande (les lettrages jaunes sur fond rouge), la direction a fait le choix de suivre la tendance du revival 80’s, voire carrément fluokid : le rouge sanguin traditionnel du parti rosit et vire au fuschia ; la poing à la rose reçoit le renfort de feuilles de toutes les couleurs (mais toujours flashy) ; le visuel prend la forme d’une série de badges (réellement déclinés et distribués à la réunion des secrétaires de section), idée sympathique même si sans lien évident avec le fond de la campagne.

Le résultat est plutôt une réussite : dans l’air du temps, sans doute plus capable d’attirer l’attention de nouvelles générations que les visuels antérieurs du parti. Cela dit, la réinterprétation du poing à la rose est pour le moins problématique, puisqu’elle donne le sentiment, après test auprès de différents militants et sympathisants, d’une explosion, idée peu judicieuse en ces temps de convalescence post-Reims. Pour le coup, on est étonné que personne n’ait souligné ce risque interprétatif avant le lancement de la campagne. Ironie du sort, la campagne de 1991 – « 10 ans qu’on sème » – avait, dans un contexte comparable (sortie du congrès de Rennes), suscité les mêmes attaques sur le thème de l’effeuillement de la rose socialiste.

10ansquonseme

Cela pose une fois de plus la question de l’insertion des graphistes, consultants et autres experts en communication dans des dispositifs politiques dont ils maîtrisent mal les tenants et les aboutissants. L’agence en charge, 4uatre, spécialisée dans la création « de nouveaux langages pour l’entreprise et ses marques », n’avait d’ailleurs jamais travaillé avec un parti politique, de l’aveu de son directeur interviewé sur le blog Puzzle Socialiste. La soumission du produit à un panel de militants n’aurait-il pas suffi à mettre le doigt sur la maladresse ?

Argus, affiches et autres .ppt


Venons-en au matériel militant en tant que tel. Première vague, l’Hebdo daté du samedi 31 janvier, qui égrène les propositions-phares du plan et recueille les réactions d’économistes et de responsables associatifs et syndicaux (AC contre le chômage, UNSA, CGPME …), positives comme négatives. Un bon outil pour intégrer rapidement les grandes lignes du contre-plan, et le remettre dans le contexte de sa réception dans le débat public.

Les deux affiches, quant à elles, mettent l’accent sur les propositions, disposées selon le principe du « générique Star Wars », qui donne l’impression de les voir, pléthoriques, défiler vers soi.

Le résultat est discutable et moyennement lisible ; on a un peu l’impression d’un distributeur à mesures, sans unité clairement identifiable. Encore cette volonté quelque peu exclusive, que je critiquais déjà pour le fond du contre-plan, de prouver la capacité de proposition du parti (alors qu’elle n’est qu’une partie du problème, et sans doute pas la plus centrale). On regrette la créativité picturale des socialistes durant les années … 80, avec des campagnes à la signature visuelle beaucoup plus forte, qui mettaient l’image en avant. Quitte à donner dans le revival, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout de la logique ?

On notera enfin la bonne initiative consistant à proposer d’emblée chaque affiche en plusieurs formats, permettant aux militants, sans manipulation supplémentaire, d’avoir ce qu’il faut sous la main, que ce soit pour imprimer un document A4 ou afficher une miniature sur un réseau social ou un forum.

J’aurais voulu me pencher sur le contre-argumentaire et le diaporama, ainsi que la version complète (sous forme d’archive ZIP) du pack de communication, hélas, ils ne sont plus disponibles au téléchargement sur le site du parti, les capacités du compte ouvert chez box.net ayant été apparemment dépassées en une semaine. Rançon du succès sans doute, mais problématique pour celle et ceux qui n’ont pas eu la chance de récupérer la fameuse clé USB de la Mutualité ! Je n’ai pas été en mesure de trouver ces documents en téléchargement sur un autre site. Lacune à réparer très rapidement donc …

N’ayant pas encore eu accès au pack de campagne complet, je ne suis pas en mesure de répondre à la question que je me posais au vu du matériel disponible : les éléments atomiques de la charte visuelle sont-ils disponibles, pour permettre aux militants de confectionner leur propre déclinaison du matériel de campagne ? Je n’en ai pas l’impression, au vu des informations disponibles, et c’est dommage ; c’est un moyen simple de permettre à tout un chacun de réellement s’approprier la campagne, et donc d’améliorer son « taux de pénétration », comme on dit martialement. Cet aspect, s’il était confirmé, marque une certaine régression par rapport aux campagnes récentes du PS, et même par rapport à la campagne interne du congrès, où la motion de Bertrand Delanoë, par exemple, avait dotée son site d’une astucieuse machine à confectionner des tracts.

Cette notion d’appropriation est pourtant revendiquée par Christophe Borgel dans sa vidéo de lancement du contre-plan. Se vérifie-t-elle plus du côté d’Internet ?

Les socialistes rêvent-ils de moutons électriques ?


Quid de l’aspect web de cette campagne ? Un site spécifique, nous dit-on, a été lancé pour la campagne. Il s’agit en fait d’un blog ad hoc hébergé sur la plate-forme WordPress du parti – autrement dit, d’une adaptation (esthétique) de l’existant plutôt que d’une création pensée pour correspondre et aux attendus de cette campagne particulière, et à ceux du web « participatif ». Les conséquences de ce choix se font assez lourdement sentir, comme on va le voir.

Le blog en question est d’une interactivité pour le moins limitée. La fonction de commentaires a apparemment été désactivée, et la seule communication possible, ascendante, est permise par un formulaire de contact servant à la fois à poser des questions et à proposer des initiatives.

Il n’est pas donc pas possible, pour les internautes, de proposer sans validation des initiatives, ni d’ailleurs d’échanger entre eux, puisque je n’ai pas trouvé de forum de discussion, ni sur ce blog, ni sur le site du parti. J’ai fini à force de recherches par retrouver les Forums de la rénovation, mais ils sont visiblement fermés. Il faudra donc apparemment attendre la synthèse des premières des « 1000 initiatives » par l’équipe du blog pour avoir une idée de leur déroulement sur le terrain.

L’insertion de la campagne dans les blogs ou réseaux sociaux ne figurait vraisemblablement pas non plus à l’ordre du jour pour ses concepteurs. Outre les supports iconographiques déjà évoqués (affiches), pas de widget ou autres goodies qui font le bonheur des internautes ; pas non plus de traduction du contre-plan sur Facebook, réseau social le plus populaire.

Étant donné que le PS n’y dispose pas non plus « d’ambassade » officielle (mais seulement de groupes et applications créés par des militants), on peut penser qu’il s’agit d’un choix stratégique général, choix discutable à l’heure où l’UMP lance son propre réseau social, risquant de creuser un fossé numérique entre les deux principales formations politiques françaises.


Verdict


On est en définitive partagé sur la qualité d’ensemble de cette campagne, qui donne un peu le sentiment de donner dans l’hyper-modernité du côté de la charte graphique, tout en restant très (trop) classique pour ce qui est des outils et du matériel disponible. Le choix d’une communication principalement descendante risque de limiter l’appropriation de la campagne par les militants et les internautes. Pour tout dire, on a un peu l’impression que, par mus une volonté structurante de se démarquer de la motion E ou des concepts qui sont, à tort ou à raison, associés à la campagne présidentielle de 2007 – pour faire bref, le champ du participatif – les concepteurs de cette mobilisation ont soigneusement éliminé tout ce qui pouvait les rappeler. Tout en en gardant parfois des tics de langage (« ce site internet c’est le vôtre, téléchargez des outils de communication ») … vite rattrapés par la logique centraliste (« tenez-nous au courant des initiatives que vous prenez, et donnez nous vos bonnes idées pour populariser nos proposition »). Dommage !

Cette campagne n’étant lancée que depuis une semaine, il est encore grand temps de lui donner un peu plus de souffle et de créativité. Camarades de la direction, au travail !

Romain Pigenel

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