Nicolas Sarkozy n’est pas encore candidat. Tout en l’étant. Enfin, pas vraiment, mais un peu quand même, si on se réfère aux standards d’une candidature, même si les standards de la déclaration officielle de candidature (selon les normes reconnues par la Cour Pénale Internationale) n’ont pas été à proprement parler respectés. Vous me suivez toujours ? Bien. Donc le président de la République, sorte de chat de Schrödinger de l’Élysée, est à la fois candidat et pas encore candidat, ou plus exactement ni candidat, ni non-candidat. Et cette situation est tout aussi difficile à exprimer pour lui qu’elle est métaphysiquement complexe. Durant le #Sarkoshow de dimanche, notre président a réalisé des prouesses sémantiques pour définir cet état qui défie les lois de la physique la plus poussée, et du code électoral. Il a ainsi affirmé : « J’ai un rendez-vous avec les Français, je ne me déroberai pas et franchement, ça approche », tout en en rétorquant : « Je ne peux pas mettre ce pays en situation d’avoir un président candidat pendant des mois interminables ». Il a de même précisé son état d’esprit – « très déterminé » – tout en expliquant que quel que soit l’intérêt qu’il pourrait avoir à se dire candidat, il ne le peut, étant « président du cinquième pays du monde ». Bref, c’est vraiment très compliqué.
Imagine-t-on les heures de torture mentale, de supplice lexical, pour trouver des façons crédibles et compréhensibles de laisser entendre qu’il est candidat sans l’être encore ? Soucieux de contribuer au « courage » et à la « force » qui sont désormais les devises du quinquennat actuel (ou du prochain, si jamais la pas-encore-candidature se transformait en candidature tout court), j’offre ici à l’Élysée une série d’étapes clés-en-mains pour faciliter son travail : maintenir le suspense sur une nouvelle candidature Sarkozy, sans flétrir l’espérance.
Situation 1 – Visite dans une usine
Le président, casque de chantier vissé sur le crâne, visite une usine sidérurgique. Alors qu’il est plongé dans une vive conversation avec un groupe de chaudronniers (« vous savez, y en a qui n’aiment pas ça, mais moi j’ai toujours trouvé qu’y a rien de plus beau que le métier de chaudronnier »), une journaliste l’alpague, en criant plus fort que le vacarme environnant. Toujours pas de candidature en vue ? Réponse : « Je ne suis pas sourd aux attentes du peuple français », mais « il faut savoir se protéger du bruit médiatique parisien », ajoute-t-il en enfilant un casque antibruit.
Situation 2 – Excursion dans une ferme
Nicolas Sarkozy, en pleine crise de chiraquisation, erre des vaches au poules, flattant le derrière des premières avant de distribuer un peu de grain aux secondes, qui s’attaquent à ses mollets. Pendant qu’il les repousse à grands coups de talonnettes, un journaliste l’apostrophe : Monsieur le Président, y voyez-vous plus clair sur votre entrée en campagne ? Alors que ses gardes du corps mettent en fuite les poules, le président sortant réplique : « Finalement, ces poules n’sont pas si désagréables, elles ne me harcèlent pas sur une question bien éloignée de mon job à l’Élysée, au service d’tous les Français ! » avant de reprendre : « Pas d’poules sans coq. Le moment venu, il faudra bien qu’un coq entre dans la basse-cour. ».
Situation 3 – A Pôle Emploi
Le locataire de l’Élysée est accueilli dans une agence de Pôle Emploi. Après quelques minutes de flottement durant lesquelles il s’acharne à appeler le directeur de l’agence Paul, sans que celui-ci ne comprenne qu’il s’adresse à lui, il est agressé par un usager en colère qui vient de se faire radier sans raison pour la troisième fois. Sous les caméras de la télévision, il ne se démonte pas : « Vous savez m’sieur, c’est quand même incroyable qu’vous-vous-vous-vous rendiez pas compte, hein, d’la chance qu’vous avez de pas avoir de responsabilité, d’vous lever à l’heure qu’vous voulez l’matin ». Avant de reprendre, pendant que ses gardes du corps plaquent au sol l’insolent : « Mais comment voulez-vous qu’y ait des gens comme vous, libres de leur emploi du temps, si y a pas des gens comme moi pour s’en occuper ? »
Situation 4 – Passage nocturne dans un commissariat
Nicolas Sarkozy fait une visite surprise nocturne dans une BAC de banlieue, accompagné d’une cinquantaine de journalistes et du double de gardes du corps. « Le combat pour l’insécurité, hein, il ne suffira pas d’un mandat pour l’gagner. C’est pas en dix ans qu’on efface les traces du laxisme de la gauche plurielle ». Alors qu’un officier lui explique qu’il n’est pas sain pour un policier de rester trop longtemps dans cette unité, le pas-encore-candidat commente, les yeux dans le vague : « J’vous comprend tellement bien. Et dire que vous pourriez être ailleurs, à vous faire d’l'argent pendant ce temps ! Et moi aussi, d’ailleurs. ».
Romain Pigenel
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5 Comments
Je n’ai qu’une chose à exprimer : LOL !
Trop drôle. Continue comme ça Romain.
@Toto : pas très gentil pour le président.
@Erchinoald : merci, maître.
Nous sommes encore à 80 jours du 1er tour et tout le monde presse Nicolas Sarkozy de se déclarer candidat. Personnellement, je trouve ça dérangeant pour 2 raisons : la 1ère c’est que s’il se déclarait candidat il serait critiqué avec au moins autant de rigueur qu’à l’heure actuelle où il ne l’est pas. Tous ceux qui lui demandent aujourd’hui de se prononcer ne manqueraient pas, s’il le faisait, de lui reprocher de délaisser sa fonction pour se concentrer sur sa campagne. La 2ème raison, c’est que François Mitterrand lui même, la suprême référence du Parti Socialiste, que François Hollande s’efforce aujourd’hui d’imiter dans la posture et même dans les “accessoires” (chapeau, écharpe, on attend avec impatience qu’il achète un labrador pour l’accompagner dans son ascension de la Roche de Solutré), s’est déclaré candidat en 1988 2 mois seulement avant l’échéance, sans que personne ne trouve rien à redire. A chacun ses références.
Amusant
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