Ces jours-ci, le siège du Figaro, mais aussi des autres grands titres de la presse française, ressemble un peu aux laboratoires de Météofrance. Des foules d’éditorialistes, commentateurs, politologues et experts sondagiers s’affairent autour d’altimètres, d’anémomètres, accéléromètres et autres capteurs de pression pour prendre, la mine soucieuse, le pouls de François Hollande. Les résultats du CRAC (Centre de Recherche en Aéropolitologie Citoyenne) du Figaro sont clairs : le candidat socialiste traverse un « trou d’air ». Dans les autres laboratoires, les méthodes et les outils varient, mais le verdict demeure. Le professeur Barbier soupèse un candidat « léger », à la cote « en baisse ». Quant au docteur Sananès, il diagnostique dans les Echos, fataliste, un « primaire blues » inquiétant.
Inutile de se voiler la face, la situation est périlleuse : au second tour de l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy est crédité de 43 % des voix, contre un piteux 57 % pour François Hollande. Un profond trou d’air – le mot du Figaro a été parfaitement choisi. Mais si, comme on peut le craindre, cette descente aux Enfers, ce renouveau flamboyant de la droite, se poursuivent pour l’ancien premier secrétaire du Parti socialiste, quels termes faudra-t-il employer pour les décrire ? Par soutien envers les journalistes du Figaro et l’ensemble de leur profession, Variae a réfléchi à une charte rédactionnelle pour accompagner les potentielles prochaines étapes du chemin de croix hollandiste, et faciliter l’écriture d’articles aussi pertinents que percutants. Ne nous remerciez pas.
Décembre 2011 : Sarkozy 43,5% – Hollande 56,5%
Titre en une : « Le doute »
Sous-titre : « Hollande peut-il encore gagner ? »
Illustration : un portrait pleine page de François Hollande, pâle sur fond noir, le front barré d’une ride soucieuse
Contenu : l’évocation d’une conférence de presse où le candidat est arrivé en retard de 15 minutes, et d’un document de campagne où s’était glissée une erreur. En off, des « proches du candidat » font part de leur « impatience ». Jean-Michel Aphatie explose sur Canal+, excédé : « C’est donc ça, la gauche ? ». Gaël Sliman est « formel » : la dynamique est « moins forte qu’hier, sans être plus faible ».
Janvier 2012 : Sarkozy 44% – Hollande 56%
Titre en une : « A gauche, l’inquiétude »
Sous-titre : « Comment ils en sont arrivés là »
Illustration : une photographie de François Hollande en réunion de travail avec ses proches, penchés sur des notes pleines de chiffres et de diagrammes
Contenu : le récit détaillé d’une « journée noire » où François Hollande a dû improviser « dans la précipitation » un discours lors d’un banquet républicain, ses notes s’étant égarées. « Il n’a même pas eu le temps de finir son moelleux au chocolat », confie, « atterré », un militant. Des proches « s’alarment » : « il ne mange pas équilibré, il regrossit ». Dans un débat télévisé, Nicolas Demorand somme François Hollande « de réfléchir au sens de sa candidature ». Pascal Perrineau « l’assure » : les « fondamentaux » du vote Hollande sont « pluriels ».
Mars 2012 : Sarkozy 44,5% – Hollande 55,5%
Titre en une : « La chute »
Sous-titre : « Solférino prend l’eau »
Illustration : François Hollande photographié en contre-plongée en train de sortir de Solférino le soir, le visage rouge sous la lumière crue d’une caméra, avec une certaine cohue derrière lui.
Contenu : De « terribles dissensions », désormais intenables, « déchirent » l’équipe du candidat, une des porte-parole ayant fait remarquer que le responsable en charge de la mobilisation avait un plus beau fauteuil qu’elle dans son bureau. Interrogés, des « responsables de campagnes présidentielles précédentes du PS » sont « affirmatifs », sous couvert d’anonymat : ce sont les signes « évidents » d’un collectif « au bord de la rupture ». Jean Quatremer constate sur son blog : « Les socialistes paient aujourd’hui le prix de ne pas m’avoir écouté sur DSK ». Roland Cayrol est « sans ambigüité » : la « cristallisation » de l’opinion est « nuancée » pour Hollande.
Mai 2012 : Sarkozy 45% – Hollande 55%
Titre en une : « PS : le drame »
Sous-titre : « Le destin brisé d’un corrézien »
Illustration : François Hollande pris au téléobjectif à travers une fenêtre, tout seul, dans son bureau, l’air pensif
Contenu : Des interviews de camarades d’école de François Hollande, qui ne le « reconnaissent plus », accompagnées d’un entretien « exclusif » avec son ancien coiffeur, « renvoyé sans raison » : « François Hollande adore couper les cheveux en quatre ». Christophe Barbier médite : « ce sondage est la preuve irréfutable du divorce, jamais dépassé, entre la France, profondément libérale, et l’archéo-gauche ». Jérôme Sainte-Marie le « certifie » : « on ne peut pas juger, à cette heure, du résultat de l’élection ».
Romain Pigenel
Les autres mots de la politique, qui ne manquent pas non plus d’air, sont ici.
13 Comments
La curée médiatique bat son plein en effet en ce moment sur Hollande. Tous des moutons ou bien des rapaces ?
C’est beau.
J’en suis presque à enlever de mon blog mon humble contribution au dégonflage du dégonflage de la “bulle” Hollande, qui fait bien pâle figure…
Pas un de vos “éditorialistes, commentateurs, politologues et experts sondagiers” qui n’ait évoqué le nom de Guérini.
Etonnant non ?
qu’Hollande continue à être discret et travailler à se préparer pour le grand combat. Cela obligera nos “journalistes” vedettes émérites à peut-être bosser sérieusement et non pas à bricoler des sorties médiatiques rivalisant au niveau de l’analyse avec les tabloïds. Pourquoi FH devrait-il s’exposer médiatiquement alors que le candidatnaturelpasencorecandidat s’économise sous prétexte d’être afféré à sauver le monde ? Il est donc tout à fait légitime et avisé pour FH de monter sur le ring qu’en présence de son challenger.Entendu Apathie ce jour à la radio … Pauvre de lui, consternant de suffisance et d’insuffisance. Vive l’agence VARIAE !
Mariane, je propose de Balkaniser les Guérinis.Les deux couples pourraient ainsi s’unir à travers un PA(C)S QUA (TRE) . Cela aurait vraiment de la gueule ! Les Daltons de Belleville. Comme quoi les héritages sont parfois lourds à assumer. Patience, les jeunes arrivent pour faire le ménage.
La dynamique est « moins forte qu’hier, sans être plus faible ».
Belle perle ! Mort de rire ! Romain, un conseil de camarade, tu devrais faire de la politique… ;o)
@B.Mode : des rapaces laineux, ou des moutons à plumes et à serres, difficile à dire !
@Majic: vais aller le lire
@Marianne : Guéri-qui ?
@Pégase : je suis d’accord
@Un Partageux : eh ! C’est une idée ça. Je commence par où ?
attention, JEAN-Michel Apathie pourrait te poursuivre pour amputation intempestive.
Curée médiatique, curée médiatique, c’est vite dit !
Je pense qu’on n’a encore rien vu…
Solférino a déjà pris l’eau, mais chut personne ne doit le savoir.
@Gathiva : et il aurait raison ! Je vais corriger.
@Estelle92 : bien sûr.
@Pat : vous connaissez un bon plombier, peut-être ?
Cher Romain, Comme tjs ta perspicacité me ravit. Elle n’a d’égal que la mienne…Encore bravo pour tes articles.
Un délice que de relire ce billet aujourd’hui à 3 semaines du premier tour.
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via @romain_pigenel Les mots de la politique (19) : le « trou d’air » de François Hollande http://t.co/QWTKSSYi
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“@Romain_Pigenel: [Variae] Les mots de la politique (19) : le « trou d’air » de François Hollande http://t.co/Ovg9gmIn” en forme.
Trou d'air // Gaël Sliman est formel : la dynamique est moins forte qu’hier, sans être plus faible http://t.co/Q3Zzf0gb par @Romain_Pigenel
Drôle et efficace, chez @variae http://t.co/g2NFe5V7
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Billet extraordinaire, je n'ai rien à enlever : http://t.co/ijWxnKEM cc @variae
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[...] Hervé Morin. Malgré les sondages en berne (on sait ce qu’il faut en penser), et malgré la concurrence que fait peser sur lui, le Dupont du centrisme, l’autre Dupond, [...]
Hollande stagne à 53%. Dur. http://t.co/7Z3SNKjI via @sarkofrance => le retour du "trou d'air" http://t.co/61kEjm50
Dès novembre @Romain_Pigenel avait tout compris de la couverture médiatique des sondages jusqu'au 6 mai #ClapClap http://t.co/9uHpa4KY
Dès novembre @Romain_Pigenel avait tout compris de la couverture médiatique des sondages jusqu'au 6 mai #ClapClap http://t.co/9uHpa4KY
[...] Stade 1 – Sondages en poupe. C’est la situation actuelle de François Hollande. Pas grand chose à faire ou dire : pour le favori, il convient de la jouer modeste, et de répéter encore et encore qu’un sondage ne fait pas une élection, au contraire. Ses adversaires se consolent en traduisant le moindre micro-affaiblissement de sa courbe comme le signe d’une stagnation, ou pire, d’une terrible chute à venir. C’est le fameux “trou d’air“. [...]
[...] mais en off, les responsables font preuve d’une excitation mal dissimulée. « Le croisement des courbes avec François Hollande n’était qu’une étape, un prélude » analyse un proche du candidat, [...]
[...] la mémoire. Le« trou d’air de François Hollande » est déjà un marronnier médiatique, qui a poussé une première fois au [...]
Ce billet de @Romain_Pigenel en nov 2011 sur les analyses des éditorialistes sur les sondages est à relire http://t.co/is9MJrIq
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