Depuis quelle a été « inventée », la charte des valeurs de gauche que devra signer tout citoyen participant aux primaires PS/PRG provoque réactions, critiques voire commentaires narquois.
Quelques grandes questions reviennent toujours. Premièrement, on souligne la contradiction qu’il y aurait à vouloir à la fois définir précisément la gauche et rassembler largement : soit on est vraiment précis, et alors on élimine de facto certaines familles politiques se reconnaissant pourtant de gauche ; soit on reste suffisamment vague pour ratisser large, et alors on énonce des banalités dans lesquelles pourraient se reconnaître un humaniste de droite, ou même pire. Deuxièmement, on conteste (à droite) l’appropriation de certaines valeurs par la gauche via cette charte, comme la justice ou la laïcité. Troisièmement, on souligne le caractère dans tous les cas peu contraignant d’une signature sur un bout de papier : même si l’on mettait dans cette charte les critères les plus discriminants pour qu’elle ne convienne qu’à de vrais hommes et femmes de gauche, cela n’empêcherait pas des citoyens ne s’y reconnaissant pas de la signer malgré tout pour voter et fausser le résultat des primaires.
Je laisse de côté la troisième critique, dont j’ai déjà traité dans un précédent billet, consacré à la possibilité d’un truquage des primaires. On ne pourra jamais empêcher quelqu’un de signer contre sa conviction profonde, mais cela ne remet nullement en cause la qualité même de la charte. Plus intéressantes sont en revanche les deux premières critiques.
Elles partent d’un même implicite : on pourrait donner un contenu conceptuel très précis à ce qu’est une famille politique telle que la gauche (par exemple, « la gauche c’est la fraternité et la justice sociale ») ; les électeurs s’identifieraient et opéreraient leur choix en fonction de ce contenu conceptuel (« je suis pour la fraternité, donc je suis de gauche », et réciproquement). La participation aux primaires devrait donc commencer par une sorte de check-up ou d’examen de conscience de chaque électeur, listant ses convictions politiques et faisant le compte de celles qui correspondent, ou non, aux valeurs de gauche, pour savoir s’il a le droit de voter.
Cette conception ne me semble pas bien rendre compte de ce que sont les opinions et choix politiques dans leur quotidienneté, et notamment pour celles et ceux d’entre nous qui ne sont pas des militants chevronnées et rompus aux batailles idéologiques de partis. Etre de gauche n’est pas une simple conviction intellectuelle. C’est d’abord souvent quelque chose de l’ordre du ressenti, avec ce qu’il peut avoir de confus et d’évident à la fois. Combien de fois n’entend-on pas « j’ai toujours été de gauche » ou « je me sens plus proche de la gauche que de la droite » ? Si on engage la conversation, alors la personne qui tient ces propos peut être amenée à préciser sa pensée, à la développer et par exemple à énoncer un certain nombre de valeurs ou d’idées venant confirmer son sentiment d’appartenance à ce camp politique. Mais je ne crois pas que ces idées ou ces valeurs soient nécessairement premières, ni qu’elles participent à une tout cohérent. Je fais l’hypothèse qu’il peut y avoir avant elles un sentiment beaucoup plus primaire, mélangeant plusieurs choses d’ordres différents : tradition familiale ou sociale, histoire personnelle, convictions, sympathie pour telle ou telle personnalité, attachement à des réalisations ou décisions politiques …
On remarquera d’ailleurs, à l’appui de cette hypothèse, que des individus peuvent prêter des significations totalement différentes au concept de « gauche » tout en éprouvant malgré tout le besoin de s’y référer. Manuel Valls a sans doute peu en commun avec Arlette Laguiller. Il a des positions et des références, qualifiées par certains de social-libérales ou de blairistes, qui pourraient le rapprocher plus du centrisme que de Lutte Ouvrière. Pourtant, il n’a pas quitté le Parti socialiste et à ma connaissance, s’il a pu préconiser l’abandon du terme de « socialisme », il n’a jamais cessé de se présenter comme un homme de gauche. Si cette appartenance est affirmée sincèrement de sa part et non par calcul, comment pourrait-on la rejeter ou l’invalider ?
C’est au bout du compte une question très simple qui est posée : est-on de gauche, ou de droite, pour une somme de raisons objectives et objectivables, ou est-ce que c’est le sentiment personnel et son affirmation qui priment ? Dans le monde idéal de l’histoire des idées et des doctrines de parti, les choses sont (souvent) claires et nettes. Dans l’immense zone grise que constitue la réalité – celle des millions de citoyens qui veulent participer à la vie politique, mais sans être capables de rédiger une dissertation type Sciences Po pour justifier leurs positions – je doute qu’il en aille de même.
Le choix qui a été fait par le Parti socialiste pour sa charte – celui d’un texte très court et très large, ne développant pas ou peu ce que sont les valeurs de gauche – me semble absolument pertinent, parce qu’il valide de facto la seconde possibilité évoquée ci-dessus. On est de gauche parce qu’on se sent de gauche, parce qu’on a envie de participer à la vie de la gauche – point final. C’est nécessaire et suffisant. A mois que l’on préfère opter – pour le coup dans la plus pure tradition gauchiste – pour une logique de pureté idéologique aussi arbitraire sur le fond que démobilisatrice sur la forme. La gauche dans ce pays n’a jamais manqué d’idéologues ; d’électeurs, ça, c’est autre chose.
Romain Pigenel
13 Comments
Tiens oui ! Pas besoin de discours pour expliquer ce qu’est être de gauche…
de gauche de droite ne devrions nous pas parler d’un même combat dont le seul bénéficiaire devrait être le peuple citoyen ? a gauche comme a droite c’est la division face a un égo qui prend partout le dessus. elles sont bien loin les grandes et bonnes idées des décideurs du temps passé. de nos jours les décideurs politique n’ont aucun pouvoir, le pouvoir a été abandonné aux banques, aux capitalistes, aux intérêts privés. alors de là a évoquer les « valeurs » morales ? financières ? de profits ? de la gauche ou de la droite il y a un sacré pas entre ce qui est et ce doux rêve utopique. a tous ces gens qui veulent le pouvoir il ne manque qu’une seule qualité, qu’une seule valeur réelle : l’ honneur !
La gauche ne peut sortir de l’ambiguïté parce qu’elle est devenue monstrueuse. Elle a gouverné quinze ans donc, si les classes populaires l’abandonnent, c’est pour de bonnes raisons. On peut parler d’un néo-pétainisme qui se sera déployé en deux temps. On fait d’abord semblant d’être anti-raciste pour vomir les classes populaires françaises. Avec la montée des droites dures en Europe, l’affaire Sarrazin en Allemagne et l’aggravation de la pauvreté propice à la recherche de boucs émissaires, cette période devrait se terminer dans quelques années. Lorsqu’il ne sera plus possible de nier le racisme des pays proches de la civilisation allemande, le PS devrait simplement se soumettre, revenant ainsi au pétainisme historique.
Inversons et imaginons une primaire à droite :
Qu’est-ce que “être de droite” et quelles “valeurs” seraient mises en avant dans une autre charte ?
Ou peut-être simplement ensez-vous comme le supposent les mathématiques que les droites se rejoignent…à l’infini ?
Je crains que ce ne soit beaucoup plus simple:
- “Comment définissez- vous votre appartenance à la gauche ?”
- “Ben…je suis pas de droite !
-C’est quoi ?
-Euh …
Fô quand même pas avoir fait l’Ecole des
Chartes!
Je dirais même plus mon cher Dupont : ils sont très “tarte”, très cul-cul bobos supposés modernes etc … on se croirait sur Canal.
De toutes les façons la question et en l’occurrence la réponse n’est pas la gauche mais la république.
Or eux, comme la droite ont tout vendu : C.E., la mondialisation, le fric sans parler des “affaires” d’un coté comme de l’autre et les archaïsmes (les mandats, le Sénat etc …)
Non ! ils sont très “tartes” que cela soit “Flambi” la suppléante de “l’ex candidat naturel du parti socialiste” (ce qui est éloquent) et les autres.
Liquidons l’absurdité, l’indécence, la honte d’un sarkozy mais ne rêvons pas, le reste n’est que “normal”.
Le reste ne doit à terme passer que par une grande exigence républicaine.
Les français en 2012 voteront encore comme des veaux et non comme des “indignés” (je n’aime pas tout ce foin mais le mot est éloquent).
M.E.R. : Mouvement de l’Exigence Républicaine voilà ce qu’il faudrait !
Mais je suis lucide ! : oui des veaux ou … de la castagne quand cela ira mal, trop mal à terme !!! ???.
ainsi que “Gerard Duffourg” l’avance il faut un OUI massif a la République … mais les systèmes mis en place successivement ont verrouillés ce choix devenu maintenant impossible ! nous sommes englués dans un système anti Républicain avec comme seul choix possible une droite, un centre et une gauche ayant élaboré ensemble mais séparément ces clivages idéologiques. n’est il pas trop tard ?
Même si votre façon de la poser laisse à désirer, il est heureux que vous analysiez la question
Mais vous vous gardez de poser LA question
Même si on fait très naïvement l’impasse sur un Pastor ou un Guérini, les vedettes du PS et déjà les candidats aux primaires vivent-ils quotidiennement les valeurs de gauche ?
Question subsidaire : si je ne suis pas de gauche, mais que je suis certain d’aller voter au second tour “à gauche”, pourquoi la formulation de cet engagement très mal conçue par les énarques de gauche m’empêche-t-elle en soi d’aller voter aux primaires pour celui que je juge le moins pire et donc pour qui je opréfèrerais pouvoir voter d’assez bon coeur aux second tour donc des présidentiellles?
Un raté de plus de ce foutu PS.
Au de là de l’arithmétique électorale, c’est l’éloge de la banalité, que je voudrais faire…très simplement…car à l’opposé de la banalité, c’est le sur-homme, qu’il y a ; c’est à dire le plus souvent un escroc.
S’il fallait aussi parler de l’état de la société politique française moderne, d’abord faudrait-il dire que la gauche sociologique est à l’est, très loin, dans les champs du SICHUAN… qu’ensuite, tous les français sont d’abord monarchiens, merci le scrutin uninominal à deux tours…qu’enfin, les partis-de-gouvernement sont des ligues destinées à contrer une sage redivision du pouvoir, ce qui explique que les gauchers doivent voter des droitiers et les partis-de-gauche, avoir des droitiers à présenter. Que dire de plus aux français !? Qu’avouer n’ajouterai rien ! Qu’il faudrait se conduire un peu plus correctement !!!
essayez http://www.lesprimairescitoyennes.fr/article/la-charte-dengagement-de-reconnaissance-dans-les-valeurs-de-la-gauche pour voir une magnifique trace de pile d’un plantage qui prouve que rien n’est essayé
Je suis apolitique, je désire seulement un candidat solide(!) devant Sarkozy…
Pour que nous ne soyons pas “fichés”…ils vont détruire (qu’ils disent) les listes ayant servi au vote, mais on nous demande de signer une charte, devrons-nous signer avec une croix afin de préserver notre vie privée ?? Demander cette signature “avant” apparait comme un gros chantage !…surtout qu’ils nous y obligent. Y a comme un problème là !
selma
Il y a beau avoir plein de crânes d’oeuf et d’énarque au PS (ou bien alors à cause de cela, le formulaire d’engagement a été très mal réfléchi
Il fallait permettre » en e ffet à tout citoyen décidé à ne pas voter à droite au second tour des présidentielles de voter aux primaires
C’est peut-être ce qui va couler Hollande qui, outre les différences de style, et d’apparence et de caractère, plaira mieux à certains électeurs centriste qu’Aubry
Il fallait choisir le moins pire . Alors que ceux qui ont voté Valls, Royal, Montebourg et évidemment le radical qui n’a aucun sens du ridicule ont gâché leur vote au profit d’Aubry ; sauf s’ils votent Aubry au second tour, ce qui est leur droit. L’erreur stratégique ou non est humaine ; c’est seulement, pour les latinistes, la persévérance dans, l’erreur qui est diabolique.
et revoilà le monopole du coeur !!!
le coeur et le porte monnaie à gauche c’est bien connu chez vos élites ……
le grand n’importe quoi …
ce texte est valable pour tous les humains dignes de ce nom et cette formule sans le mot « gauche » suffisait ! vous êtes qui pour prétendre avoir ce monopole ?
je suis Chrétien, républicain de droite et me reconnais dans cette phrase, y compris pour la laïcité !!!!
« Je me reconnais dans les valeurs de la République, dans le projet d’une société de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité, de justice et de progrès solidaire. »
Il me semble, Patrick, qu’on ne peut pas être ce que vous dites être, et je vous crois totalement, et voter à droite ou alors par opposition irréfléchie systématique à tout ce qui se dit de gauche en l’étant ou non.
Voter à droite, alors que voter au centre c’est déjà pas pareil, c’est voter, en simplifiant beaucoup je vous l’accorde, pour des inféodés effectifs au majoritairement mauvais patronat et aux riches ou autres spéculateurs, avec des exceptions comme toujours, par exemple ceux se réclamant du « dictateur doux » De Gaulle.
PS. Pour ce qui est d’être chrétien , je me permets, en théiste convaincu (mais) indépendant, de vous souhaiter de faire quelques bonnes lectures, genre l’imparfait mais utile Michel Benoit
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