Il y a les professionnels de la politique, les méchants mercenaires qui s’occupent du bien commun avec détachement, si ce n’est cynisme, et ne prêtent pas une grande attention à la cohérence entre le message qu’ils portent et leurs propres pratiques. Et puis il y a les autres : ceux (souvent celles, d’ailleurs) qui font la politique autrement, et mettent un point d’honneur à construire une parfaite continuité entre leurs dires et leurs faits. On est ce qu’on dit, on est ce qu’on fait. A cet égard, Variae, qui n’a pas souvent été tendre avec Eva Joly, doit aujourd’hui s’incliner et lui reconnaître un effort remarquable pour suivre ses préceptes avec une rigueur jamais observée nulle part ailleurs auparavant.
Cela a malheureusement été trop peu remarqué (que voulez-vous, il faut toujours que Cohn Bendit y mette son grain de sel), mais la magistrate venue du froid a en effet mis en œuvre un bouleversement politique majeur lors des universités d’été d’Europe Écologie : le recyclage de slogan. Eva Joly 2012 ? Le changement juste. Ségolène Royal 2007 ? L’ordre juste. Moins qu’un hasard, mieux qu’une copie : une extension du domaine de l’écologie au champ … lexical.
Avouons qu’il fallait y penser. C’est même assez génial. Françaises, Français : je ne mettrai pas seulement en œuvre mon programme, je ne m’y conformerai pas seulement dans ma vie personnelle : je vous en ferai la démonstration à chaque fois que j’ouvrirai la bouche. Assez de croissance, d’inflation (verbale), de gaspillage ! Assez ! Pendant qu’une petite partie de privilégiés se goinfrent de mots inutiles et superflus, participant à l’échauffement de la température intellectuelle et à la dégradation du climat et de l’environnement politiques, des centaines, que dis-je, des milliers de mots gisent ça et là, à peine utilisés, un peu cabossés et éraflés tout au plus, peut-être plus de la toute dernière mode sémantique certes – et alors ? Allons-nous continuer à entasser dans des décharges lexicales ces produits de la société de con-mots-sation, pardon (j’en perds mes mots !) de consommation, ces produits de la société de conversation, de babillage ?
Moi, Efa, en férité je fous le dis : il y a une décroissance verbale heureuse. Passons le langage politique au rabot de Rabhi, la barbe de Platon au rasoir d’Occam. Au diable (vau)vert éléments de langage, communicants et speechwriters ! Fouillons almanachs passés, journaux périmés et discours d’anciens candidats à la recherche des mots perdus. C’est dans les vieux mots que l’on fera les meilleures soupes.
Donc là, on imagine que quelqu’un, dans l’équipe d’Eva, a poussé un grand eurêka. « Eh les coopérateurs [copain en langage EELV], vous vous souvenez du slogan de Ségolène ? » L’ordre juste. Tiens c’est vrai, qu’est-ce qu’il est devenu l’ordre juste ? Ségolène ne l’utilise plus beaucoup, si ? Et pourtant il l’a bien hissée à un deuxième tour de présidentielle ! Bon d’accord, pas jusqu’à la victoire. Mais ce qui est bien avec le recyclage, c’est que vous pouvez réparer, améliorer, ripoliner juste ce qu’il faut pour donner l’air du neuf, voire la patine du vintage. Un peu comme ces vieux meubles de famille cérusés pour bobos montreuillois. Donc l’ordre juste, c’était pas mal, mais ça manquait quand même un peu de mouvement (« l’ordre juste, c’est juste l’ordre », comme disait alors Fabius – ou Cécile Duflot, je ne sais plus). Va pour le changement ! Le changement juste ! Tiens, c’est tellement bien que Ségolène le reprend au passage. Le recyclage, on va vous faire l’aimer.
Reconnaissons-le : Eva Joly a inventé là une nouvelle filière pleine d’avenir, le fondement d’une nouveau modèle de développement du langage. L’homme ou la femme politique nouveau/nouvelle sera économe, parcimonieux, durable dans sa parole. Conscient à chaque instant du formidable gâchis de mots du monde occidental, de tous ces tweets, lol, textos qui pourraient chacun à eux seuls nourrir tant de cerveaux dans le tiers-mot, enfin le tiers-monde, il/elle n’ouvrira plus la bouche que pour des sujets essentiels – comme le honteux défilé du 14 juillet.
Une dernière question reste posée : Eva Joly poussera-t-elle la cohérence jusqu’à la décroissance électorale ? On ne peut en tout cas que saluer ses efforts en ce sens.
Romain Pigenel
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8 Comments
Effectivement elle est adepte du recyclage : donc vraiment verte.
“Variae n’a pas souvent été tendre avec Eva Joly.”
Quand vous déciderez-vous donc à utiliser la tendresse juste ?
Parce que si on la regarde bien – surtout sans ses lunettes rouges – on ne peut que constater à quel point la Nature a été injuste avec elle.
@Intox2007 : et pourtant bien mûre !
@Marianne : n’oubliez pas que vous parlez d’une ancienne miss Norvège. Un peu de respect, quoi.
“Moi, Efa, en férité je fous le dis”
Hihi… j’adore son accent, surtout quand elle parle de “Sarkossy”.
Certes il est un peu gros, son recyclage. Mais elle parle quand même très bien le français : qui saurait parler norvégien comme elle parle notre langue ? (pas Sarkozy, en tout cas).
Quel ton sarcastique ! C’est donc si insupportable qu’une telle femme ait pu trouver du crédit face au pantin bling-bling en se réclamant de l’honnêteté et de la rigueur intellectuelle ? Des séries de remarques qui se voudraient fines sur la propriété supposée de certaines expressions, des sophismes rancuniers et mesquins, tout cela a-t-il pour but de faire oublier les “éléments de langage” du camp d’en face, qui préfère la rigueur dans un domaine qui n’est pas intellectuel et ne peut plus se réclamer de l’honnêteté.
Pour ce qui est de faire de la politique autrement à EELV, il faudra réviser vos classiques
Le tourniquet, ça vous dit quelque chose ?
Merci de nous avoir épargné “candidate à la présidence”.
La dame qui ne venait pas du froid (vu que cette expression était réservée à l’Europe de l’Est sauf erreur) est seulement candidate à un score au seul premier tour pour être ministre et obtenir un maximum de circonscriptions aux législatives sans adversaire socialiste.
C’est tout ! L’idéologie, c’est l’appât; c’est secondaire.
EELV aurait été crédible et fait de la politique autrement s’il avait tirait au sort parmi des candidates écolos de terrains non célèbres prêtant leurs noms comme porte-drapeau d’un programme et s’engageant à disparaître après la campagne.
Voter pour des addicts à la notabilisation ? Nnn merci
Le premier qui a dit ça (presque) a eu la tête coupée à la fin du XIXème siècle.
D’accord pour l’intensité, la vérité d’un message, fondamentalement cela devra se produire lors de la campagne électorale.
Il est vrai que contrairement à certains verts, en tant que républicain-chrétien j’ai une attente “évangélique”.
Me dégoute les assidus de bourdin, elkabach, apathie, et autres chaines (boulets ?) de radio et de télé où rien n’est dit parce que tout (?) est toujours dit à la première mouche qui passe.
Niveau marionnette du Zardoz de Boorman.
Tiens ! la bourse doit bien se porter parce qu’apparemment la Lybie, dsk (tout ! tout ! tout vous saurez tout sur ses restaurants, ses sorties etc …) et l’annonce du pauvre fillon toutou de l’employé des très riches ont pris le pas.
Après la “caricature nationale” de la dernière fois où vous nous expliquiez combien Joly avait été maladroite “communicativement”, voilà la remise en cause de son slogan… Et sinon sur le fond, vous avez quelque chose à dire ?
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[...] autour du slogan « la force citoyenne », Ségolène Royal est là où on l’attend : à gauche, autour des valeurs de citoyenneté. [...]
[...] la bouche de : un militant dela CFDT, Efaaa Joly, un lecteur régulier dela République des Idées ou du [...]
[...] en attendant, la tendance fait recette puisque Eva Joly, bergère en chef d’EELV, rentre justement de la ville japonaise sinistrée, pleine [...]
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